Pour les vacances, tout particulièrement cette année, on a une folle envie de grands espaces. Mais aussi de se retrouver, en famille élargie ou avec nos meilleurs amis, tout en maintenant les gestes barrières, pour enfin profiter de chacun ! Petite revue de détail des sujets qui fâchent, pour réussir nos vacances à plusieurs…
• Sujet n°1 : L’âge des enfants
Tout est parti des enfants : ils se sont connus à la crèche ou à l’école, se sont invités à jouer les uns chez les autres, à dormir, et c’est comme ça que vous avez fait la connaissance d’une autre famille. La psychologue Aurélie Callet observe simplement – et nous avec – que dans ces cas-là, “il y a des chances pour que ça se passe bien, surtout si les adultes apprécient les enfants des autres”. Là, c’est la combinaison gagnante : vous n’allez pas voir vos enfants du séjour ! Ils vont être hyper autonomes… À vous les conversations tranquilles entre adultes. Il suffira d’assurer l’intendance, les repas. Et de profiter de vos enfants dans la légèreté et les joies toutes simples des vacances.
Sauf que… il y a souvent des fratries ! Et donc des enfants d’âges différents, et cela peut changer la donne. Imaginons : s’il y a un bébé, un ado, les âges s’étalent sur une fourchette allant de 0 à 16 ans… On le sait à l’avance : si on part avec un nourrisson, un des adultes aura toujours les mains occupées, il faut tabler sur des réveils nocturnes et une ou plusieurs siestes à respecter. Un ado, lui, aura du mal à se coucher à 20h30 pour se réveiller en même temps que tout le monde le matin ! Et même entre 3 et 6 ans, les rythmes et les besoins évoluent beaucoup.
En général, tout le monde est d’accord pour respecter les besoins de l’enfant. Mais dans les faits, ça signifie quoi ? Être à son écoute et accepter qu’il ne fasse pas la sieste parce qu’il n’en a pas envie et qu’on est en vacances ? Ou repérer son besoin de sommeil et imposer la sieste ? Ce genre de quiproquo peut créer des tensions. Alors autant exposer nos besoins de parents clairement, en espérant que chacun aura la souplesse de mettre de l’eau dans son vin.
• Sujet n°2 : Les rythmes de chacun
Sommeil, horaires, menus, écrans… À chaque famille son style, son rythme et ses façons de faire. Voilà pourquoi ces sujets cristallisent souvent les tensions. Heureusement, ce sont les vacances, on est en général plus souples et plus détendus.
Pour autant, cela vaut le coup d’organiser un “conseil de vacances” pour mettre à plat les rythmes et les attentes de chacun, et voir quels compromis et quelles organisations on peut trouver. Une fois les adultes autour de la table, posons-nous des questions directes et concrètes : comment imaginons-nous fonctionner ? Est-ce qu’on fait tout tous ensemble, ou sommes-nous d’accord pour parfois se séparer ? Écrans, horaires, repas, siestes… quelles sont nos habitudes familiales ? Comment s’adapter les uns aux autres ?
Au final, pour des vacances en tribu sans trop de prises de bec, c’est souvent le bon sens au service du collectif qui prime… Ainsi, mieux vaut adopter les mêmes règles pour tout le monde, sinon, c’est la cata ! Écrans : tant de quarts d’heure par jour, chips-coca-glaces, c’est tant de fois par semaine, etc. Mais sachons aussi faire des exceptions aux règles ! Exemple : un soir par semaine, les enfants se couchent plus tard. Enfin, donnons-nous de l’air ! En nous accordant la liberté d’être indépendants. On n’est pas en colo, hein, mais en vacances ! Le pire, dans un grand groupe, serait d’être obligés de s’attendre les uns les autres. Alors que se répartir en petites équipes par tranches d’âges en mélangeant les familles simplifie les choses : la sieste des petits peut être l’occasion pour les plus grands de faire une activité spécifique.
Pour certains, le groupe s’avère parfois très étouffant. Et comme parent, il peut nous arriver d’avoir l’impression de ne pas profiter de nos enfants. Ces derniers disparaissant toute la journée, trop heureux de leur liberté entre enfants, au milieu de grands ! Vacances de rêves pour eux, mais frustration profonde pour certains adultes… Le comble pour un parent qui travaille, et qui a le sentiment de ne pas assez voir ses enfants dans l’année !
Aussi, chaque famille peut inventer son petit rendez-vous de la journée, ou des vacances. En expliquant aux enfants que les vacances en tribu, ce n’est pas faire ensemble la même chose H24. On part à la plage et si on s’y retrouve avec d’autres, très bien. Sinon, tant pis. Et telle ou telle famille peut se faire un restau de son côté, c’est très bien aussi !
• Sujet n°3 : La gestion du quotidien ou “c’est qui qui met la table aujourd’hui” ?
Certes, les vacances en tribu, ce n’est pas la colo. Mais qui dit groupe, dit quand même “corvées” ou “services”… C’est juste une question de point de vue selon l’appétence de chacun pour ce genre d’activités ! Et là, pour éviter tout “pétage de plomb” au milieu des vacances, une organisation “à la scout” s’impose. Concrètement, à l’ordre du jour du “conseil de vacances” (voir sujet n°2 : les rythmes), il est important de rajouter une partie logistique, courses, préparation des repas, mise de table et débarrassage, etc. Les variantes sont multiples : enfants à la mise de table ? Une journée de cuisine par famille ? Associer les plus grands avec les petits ? Des thématiques cuisine ? La palette est large… et peut révéler des talents insoupçonnés d’organisateurs ou de cuisiniers chez certains ou certaines ! Souvent, les plus grands sont aussi très doués pour mettre en place les tours de service et les plannings. Une occasion à saisir pour que pour une fois, ce ne soient pas les parents qui gèrent les emplois du temps.
• Sujet n°4 : Les différences éducatives ou “pourquoi lui il a le droit et pas moi” ?
Petit exemple en guise d’illustration : il y a un muret dans le jardin du gîte que vous avez loué. Inévitablement, les petits le prennent pour un mur d’escalade. Sauf que personne ne réagit de la même manière face au risque. Alors que certains parents ont toujours un œil et une oreille sur les enfants et se précipitent en hurlant : “Attention ! Tu vas tomber !”, d’autres sirotent tranquillement leur apéritif sans prêter attention à la scène, sur le mode “S’il tombe, il tombe”. Difficile de faire changer de telles attitudes réflexes : c’est plus fort que nous… Mais si cela nous pèse, autant aborder le sujet et limiter les endroits “risqués”. Heureusement, souvent, à voir que d’autres sont plus zen, on se détend… Les vacances quoi !
Mais se détendre et prendre du recul, c’est justement tout le travail des vacances… Or, constate Aurélie Crétin, psychologue à Lyon : “Plus les enfants sont petits, plus ils demandent de la présence, de l’énergie, y compris psychique : les parents ont moins d’espace mental pour relativiser, prendre du recul.” Bref, les jeunes parents, en train d’inventer leur façon d’éduquer, sont particulièrement susceptibles à la critique. La psychologue poursuit : “La petite enfance met aussi face à des difficultés, des échecs. Les jeunes parents se questionnent beaucoup : comment dois-je me positionner ? comment réagir à cette situation nouvelle ? On peut perdre son assurance, douter.” Quelle que soit notre expérience de parents, vivre la confrontation sur l’éducation des enfants peut être vécue comme une remise en question, et l’on s’accroche alors avec vigueur au modèle que nous avons choisi, pour se rassurer et se convaincre que c’est le meilleur.
En cas de tensions, il devient alors compliqué d’aborder les points qui fâchent. Pourtant, pour sauver vos vacances, mieux vaut crever l’abcès que laisser la crispation s’installer… Certes, une phrase comme “Ta fille est pénible, tu pourrais la coucher pour qu’on soit tranquille” a peu de chance d’être bien prise ! Soyez diplomate : “J’ai envie de me reposer durant ces vacances. Est-ce que vous êtes d’accord pour que les enfants mangent avant, jouent pendant notre apéritif et qu’on les couche ensuite avant de dîner entre adultes ?” Au final, ce ne sera peut-être pas tous les soirs ainsi, mais peut-être allez-vous “gagner” une soirée sur deux…
Aurélie Crétin, la psychologue, souligne que “ce ne sont pas les différences dans notre manière d’éduquer les enfants qui posent problème, mais le regard que l’on porte sur elles”. Accepter que l’autre ait le droit de fonctionner différemment, ce n’est pas la même chose que de vouloir le convaincre que notre façon de faire est la meilleure. Prendre en compte cette différence facilite le pas de chacun vers l’autre et l’invention d’une solution commune. Côtoyer une autre famille dans ses différences est d’ailleurs toujours enrichissant : c’est une vraie ouverture d’esprit, cela permet d’observer ce qui se passe bien ailleurs, de s’inspirer, mais aussi et surtout de constater que, finalement, comme chez nous, tous les parents font comme ils peuvent ! Et c’est très bien comme ça. Alors on se détend, et on en profite pour se faire de beaux souvenirs de vacances !
Pour aller plus loin
• Aurélie Callet est psychologue clinicienne. Co-auteure avec Clémence Prompsy de “Je ne veux pas, 250 astuces pour faciliter le quotidien avec vos enfants, éd. Au fil de soi. Voir leur site Kidzetfamily.fr
• Aurélie Crétin est l’auteure de “Vivre mieux avec les émotions de son enfant”, Odile Jacob.
“Vacances en tribu : les sujets qui fâchent !”, supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api n°654, août 2020. Texte : Anne Bideault et Anne Ricou, illustrations : Muzo.
Numéro d’août de Pomme d’Api n°654, en vente en kiosque à partir du 22 juillet.