La journée nous disperse… et le repas, préparé avec plus ou moins de plaisir, nous rassemble ! Pomme d’Api a mené l’enquête sur ce moment d’échange pendant lequel parents et enfants partagent bien plus que des plats…
À table, ensemble, c’est meilleur !
« Le meilleur endroit pour la transmission de la langue et de la culture française, c’est le dîner familial ! En mangeant ensemble, on apprend tout sur le goût, la langue… On “fait” famille. Ne laissez pas vos enfants manger seuls ! » Tout est parti de cette remarque de la linguiste Aliyah Morgenstern, lors d’une interview sur la communication entre parents et bébés. On l’a prise au mot, et… on s’est assis autour de la table de différentes familles, pour manger ensemble, et bien plus encore…
À table, on discute
La journée nous disperse et le repas nous rassemble. S’il se déroule “dans de bonnes conditions, précise la cuisinière blogueuse Sonia Ezgulian, c’est-à-dire sans notifications sur le smartphone, sans radio ni télévision, c’est un moment d’échanges privilégié.”
Dîner avec ses enfants, Luc y tient beaucoup : “Je suis souvent en déplacement, alors les retrouver tous, c’est super. Ils me mettent au courant de ce que j’ai manqué.” Ses enfants aussi sont attachés à ce moment : “Parfois, ils me demandent même s’il y a un soir où toute la famille sera là, sans qu’un des deux parents soit à une réunion ou autre…”
Le repas, c’est le moment “où les langues se délient, où on a le droit à des petites perles précieuses, à des confidences”, s’émerveille Marine. Plus la fratrie grandit, plus c’est frappant : “On se raconte des trucs, on chope la nouvelle expression du petit dernier, on questionne l’ado qui n’est pas dans sa phase bavardage…”, décrit Gwenaëlle, dont la famille recomposée fait le grand écart entre les âges. En plus d’être un formidable bain de langage, ces conversations incitent chacun à être attentif aux préoccupations des autres – y compris celles des adultes. Même si cela devient parfois bruyant : “Un soir, on a fini par brandir une cuillère en bois comme bâton de parole. On ne s’entendait plus !” se souvient Sylvie, qui a trois enfants.
À table, on transmet une culture
Sans qu’on en ait toujours conscience, les repas sont un condensé culturel : rythme, durée, ordre des plats… Chaque famille a ses habitudes, et transmet sa culture. Il suffit d’aller chez les autres pour s’en rendre compte. La table est ainsi un lieu privilégié pour la reproduction de certains comportements sociaux. “Ça peut paraître vieux jeu, sourit Gwenaëlle, mais quand je vois des gens qui ont la main sous la table ou mangent les bras trop écartés, ça m’agace.” “Je n’aime pas qu’on quitte la table en plein milieu du repas, reconnaît Caroline, ou quand on chipote devant son assiette…”
Chacun a ses attentes et y habitue ses enfants, petit à petit, à force de répétition. Marie a ainsi décidé de privilégier la curiosité alimentaire. Pour les “bonnes manières”, on attendra un peu ! “Mes filles doivent tout goûter. Par contre, on est OK pour manger avec les doigts, se servir tout seul et avoir un vrai couteau dès qu’on peut en tenir un, et tant pis s’il y en a partout à la fin du repas.”
À table, on “fait” famille
Le repas déborde sur deux autres moments : la préparation et le débarrassage. Deux rituels importants aux yeux de Sonia Ezgulian, car s’y joue le partage de certaines valeurs comme l’entraide. “Aller au marché, découper les légumes, utiliser les ustensiles, mélanger, remplir le lave-vaisselle… C’est éducatif, et la personne qui cuisine se sent moins seule, moins dans le stress.”
Dans la cuisine, dans l’assiette, dans les habitudes culinaires, s’écrit aussi l’histoire de la famille. Les enfants y tiennent : “Le vendredi, on sort tous les restes et on peut se servir comme on veut !” ; “Le mercredi, quand il fait beau, on pique-nique dans le jardin” ; “J’adore quand on fait la ‘pizza collaborative’ avec Papa !” C’est autour de la table que prend “la sauce familiale”.
Et bien sûr, à table, on mange !
Enfin, ne l’oublions pas : le repas sert aussi à nourrir la petite troupe ou l’enfant affamé ! Vos témoignages alternent entre plaisir du partage et lassitude du repas à préparer… Comme le note joliment le sociologue Jean-Claude Kaufmann, qui s’est penché sur les tables familiales : “La cuisine, qu’elle soit vécue comme une corvée ou une passion vibrante, est toujours un don d’amour pour les siens.”
Sonia Ezgulian clame son admiration : “Ceux qui préparent les repas tous les jours sont des superhéros : c’est bien plus difficile que pour le cuisinier de restaurant qui ne change sa carte qu’une fois par mois !” Un tour de force qui autorise ces superhéro(ïne)s du quotidien, dit-elle, à “reprendre le pouvoir” en refusant de se plier aux exigences de chacun, “sinon, c’est mission impossible !”
Ainsi, les repas de famille sont riches… en relations. Au menu : soutien affectif, cohésion de la famille, partage autour de la journée, “bien-être psychologique”, mais aussi mise en place d’habitudes alimentaires saines. Les études sociologiques qui ont porté sur le repas familial concluent qu’il n’a “que des avantages” ! Même si parfois Marine “rêve de s’échapper dîner à l’extérieur, au calme, tranquille”. Une pause parentale qui fait aussi du bien à toute la famille.
L’enfant face à son assiette : quelles règles ?
Des règles claires pour tout le monde.
Chaque famille a ses règles en matière de repas. Mais trop souvent, nous les avons tellement intégrées qu’on oublie de les expliciter. Sélectionnons les plus importantes, car nos enfants sont encore trop jeunes pour tout respecter. Exemple : on goûte tout, même en toute petite quantité, et on mange suffisamment pour ne plus avoir faim jusqu’au repas suivant.
Expliquer pourquoi on mange de tout.
Les enfants peuvent comprendre qu’on ne peut pas manger tous les jours des pâtes et des pizzas, car notre corps a besoin d’une grande variété d’aliments pour bien fonctionner. C’est pour ça qu’au cours d’un repas, on mange aussi bien des féculents, des légumes, etc. Ça vaut le coup de le répéter…
Ne pas en faire tout un plat !
Votre enfant a goûté mais n’a pas aimé les pois chiches écrasés au cumin ? Tant pis ! Inversement, votre enfant a mangé les courgettes qu’il refuse d’habitude ? Ne vous écriez pas, d’un air triomphant un peu humiliant : “Ah, tu vois, ce n’était pas si mauvais que ça !”… Autrement, il risque de se braquer. Et proposez l’aliment d’une autre façon, quelques semaines plus tard : la tomate farcie peut ainsi se métamorphoser en steak surmonté de rondelles de tomate !
Comment faire goûter à son enfant un nouvel aliment ?
Jouez la douceur
Pour mettre toutes les chances de votre côté, associez les aliments nouveaux à des aliments au goût plus doux : pommes de terre, riz, pâtes, pain… Ou faites varier des grands classiques (lasagnes, hachis parmentier…) en remplaçant l’habituel fromage par du roquefort, la viande par du poisson…
Jouez des textures
Cru, cuit, en purées, gratins, gaufres salées, tartines… Vous pouvez tenter (et retenter) votre chance en variant les façons de préparer l’aliment.
Jouez en équipe
Les enfants adorent mettre la main à la pâte. Les rendre acteurs de leur alimentation ralentit les préparatifs mais ouvre leur appétit et leur curiosité. Pétrir, étaler, garnir une pâte à pizza maison… Quel bonheur, quelle fierté, quel bon moment entre parents et enfants !
Jouez sur la présentation
Une pique à cocktail pour enfiler morceaux de concombre, de tomate, de fromage, un joli emporte-pièce pour donner une belle forme aux galettes de polenta, un méli-mélo de couleurs sur l’assiette, c’est appétissant !
Jouez petit
Mieux vaut servir l’équivalent d’une cuillère à café d’un nouveau plat et voir son enfant en redemander, que de le voir déprimer devant une assiette débordante qu’il n’a pas envie de manger.
Jouez le jeu
Soyez ludique, créatif et malin : “Bon, moi, je me réserve des petites bouchées de ce que je préfère, et surtout, aucun petit écureuil ne me les mange quand j’ai le dos tourné !” Jouer avec la nourriture, ça a du bon !
Jouez à ni oui-ni non
Dire “Je n’aime pas” est in-ter-dit ! Il faut expliquer : c’est amer, c’est mou, ça sent mauvais, je préfère quand c’est cru… Pour votre enfant, c’est du vocabulaire sensoriel et, pour vous, de précieux indices ! Et vous-même, d’ailleurs, pourquoi êtes-vous fâché avec l’aubergine depuis vingt-cinq ans ?