Oiseaux, escargots, fourmis, et bien sûr chat, chien, lapin… Pourquoi les animaux attirent-ils et fascinent-ils autant les enfants ? Le magazine Pomme d’Api consacre son cahier pour les parents du mois de mai à cette relation, particulière, et à ce qu’elle apporte aux 3-7 ans.
Le succès des poils
Alicia a 5 ans. Depuis peu, il y a chez elle un lapin. Pas une peluche, un vrai lapin ! Alicia était tellement contente qu’elle a dessiné le portrait de Zouzou, son lapin, pour le montrer à sa maîtresse et à ses camarades de grande section. Tanguy, lui, n’a pas d’animal à lui. Mais sur le chemin de l’école, il adore ramasser des escargots et les regarder ramper sur sa main. Depuis sa poussette, Aimy n’a pas sa pareille pour repérer les oiseaux en vol ou perchés dans les arbres. Elle les désigne aux adultes qui, eux, ne sont pas aussi observateurs !
Les enfants sont spontanément attirés par les animaux, et ce, dès leur plus jeune âge. Très tôt, le nourrisson fait la différence entre un animal, qui se meut de sa propre initiative, et un objet, même si ce dernier a l’apparence d’une bête. Il faut avouer que nous cultivons cette attirance. Combien d’enfants sont appelés avec tendresse “mon chaton”, “ma belette”, “ma puce”, voire “ma sardine” (véridique !) ? Combien de “doudous” sont des animaux ? Combien d’albums mettent en scène un petit ours (brun, bien sûr), un lapin, une souris… tout un bestiaire anthropomorphisé !
Les bêtes à fourrure occupent dans le cœur des enfants le haut du panier. Certes, si la limace est intrigante, pour les câlins, on repassera… Les enfants soulignent spontanément la douceur des poils des chats, des chiens, des lapins, et le plaisir qu’ils éprouvent à les caresser, comme dans cette courte vidéo qui a connu un succès viral sur internet : un bébé, allongé dans son transat, les yeux dans le vague, caresse avec délectation un chat lové dans ses bras et qui ronronne.
L’éthologue et psychiatre Albert Demaret, spécialiste des comportements animaux, suppose que cette attirance pour la fourrure serait un héritage de notre passé de primates. De fait, les singes sont très tactiles : ils se touchent, s’épouillent, se caressent. Et nous, humains, depuis l’enfance, ne cessons d’expérimenter l’effet calmant et relaxant du toucher.
La fourmi ou l’éléphant
Quel parent, tout fier de proposer une sortie au parc animalier, n’a pas été désappointé de voir son enfant se détourner des girafes et autres éléphants pour se délecter du spectacle des canards, des pigeons, des moineaux ou des fourmis ? Véronique Servais est psychologue et professeure en anthropologie de la communication, particulièrement entre hommes et animaux, à l’université de Liège, en Belgique. Pour elle, rien d’étonnant à cette attirance pour les plus petits êtres vivants : “Ce sont des animaux qui sont plus à la mesure de l’enfant, décrypte-t-elle, et face auxquels il peut assumer une position d’observateur.”
L’escargot, par exemple, concentre l’attention des tout-petits, et sa présence au bord du chemin peut empêcher toute une famille d’aller au bout de sa promenade du dimanche ! Pour Véronique Servais, le succès de l’escargot tient précisément dans sa lenteur. En effet, on peut l’observer avancer, rentrer dans sa coquille. L’escargot, en réagissant, montre qu’il est vivant : il est un sujet animal qui agit et qui réagit. On peut le toucher, l’attraper par sa coquille. Il bave. Il ne représente pas un danger. Sa coquille en colimaçon est surprenante, esthétique. L’escargot “parle” à un tout-petit : il entre dans sa coquille, il s’y sent en sécurité. L’enfant y voit une image de son besoin à lui : je peux retrouver les bras de mes parents quand j’en ai besoin, je peux sortir quand je suis rassuré. Et puis, l’escargot est fragile et petit : on peut l’écraser, il peut être mort. Autant de sujets de réflexion et d’observation passionnants !
Confiance ou appréhension
La majorité des enfants sont intuitivement confiants face à un animal, et vont aller à sa rencontre sans penser qu’il peut y avoir des risques. Mais le mouvement spontané de l’animal, si attractif, peut aussi en effrayer certains. Cela dépend bien sûr du comportement de l’animal, brusque ou tranquille, mais surtout des expériences précédentes de l’enfant, de l’attitude et des émotions de son entourage (la crainte des parents se transmet), et surtout de son assurance personnelle face à l’inconnu en général.
Ainsi, selon le professeur Hubert Montagner, qui a consacré plusieurs livres à la relation entre l’enfant et l’animal (voir en fin d’article), si la famille ne favorise pas la découverte de la nouveauté ni les contacts avec un cercle élargi, l’enfant sera insécurisé face à un animal inconnu, tout comme face à une personne ou une situation nouvelle.
Discussion sans paroles
Maxime explique : “En rentrant, je joue avec mon chien et je lui raconte ma journée. On se comprend !” Entre les animaux de compagnie et les enfants, c’est immédiat. “C’est une communication de corps à corps, dans le jeu, dans les câlins”, constate Véronique Servais.
La relation est aussi moins complexe qu’avec des humains. Ainsi l’enfant peut assumer des rôles parfois difficiles à revendiquer : être responsable, être guide, référent, être le “papa”, ou la “maman” de l’animal. L’animal est là, disponible. Au besoin, il esquive l’inconfort et pousse l’enfant à ajuster son comportement, mais il ne répond jamais : “J’en ai marre d’être le loup, on change de jeu ?”, ou “Pas maintenant, tu vois bien que je suis occupé !”
Bref, l’animal accompagne l’enfant dans ses mouvements, ses jeux, sa souplesse, son agilité, et lui apporte aussi du réconfort, de la sécurité, de la complicité. Cela renforce son estime de soi. Le chien a tout du compagnon de jeu idéal, mais le chat, qui mène une vie plus personnelle, fabrique lui aussi de l’imaginaire : que fait-il quand il n’est pas là ? À quoi pense-t-il quand il regarde par la fenêtre ?… “Je suis convaincue que grandir avec un animal est d’une grande richesse pour un enfant, conclut Véronique Servais. Moins rationnel, plus débridé, l’animal l’ouvre à sa propre affectivité, à ses émotions, à la nature, à autre chose que le monde humain.”
À lire avec les enfants
- Escargots à gogo
Dans le jardin de son grand-père Alfred, Paula découvre plein de petites bêtes. Taupes, abeilles, guêpes, pucerons, et surtout escargots. Et Alfred lui explique leurs secrets. Des informations documentaires camouflées dans un bel album, illustré avec légèreté. De quoi devenir “escargologue” !
Sandrine Le Guen, Audrey Calleja, Actes Sud Junior, Little Villette, 2017, 14,50 €. - L’oiseau de Colette
Colette aimerait tant avoir un animal… Mais pour ses parents, il n’en est pas question. Alors Colette s’en invente un. Un oiseau. Qui s’est envolé. Elle en parle si bien, de cet oiseau, que tous ses amis partent à sa recherche avec elle. Si Colette n’a pas d’animal de compagnie, elle a beaucoup d’imagination et un vrai talent de conteuse ! Un bel album qui nous arrive du Québec.
Isabelle Arsenault, éd. La Pastèque, 2017, 14 €.
Pour aller plus loin
- Iris Grace. La petite fille qui s’ouvrit au monde grâce à un chat
Iris Grace est autiste. Toute petite, elle évitait le contact des autres, y compris visuel, et vivait dans son monde. Ses parents lui ont offert un chaton, et la présence de cet animal à ses côtés lui a fait faire d’immenses progrès. Sa mère raconte cette expérience dans cet ouvrage.
Arabella Carter-Johnson, Éd. Presses de la Cité, 2017, 23 €. - L’enfant et l’animal
Hubert Montagner est chercheur et spécialiste de la relation entre l’enfant et l’animal. Il décrit ici tout ce que l’interaction avec un animal peut favoriser chez l’enfant (sécurité affective, apaisement, confiance en soi, attention, imagination, créativité…), et nous explique comment cette relation peut aider un enfant à se réaliser comme être social à part entière.
Hubert Montagner, éd. Odile Jacob, 2010, 23 €.