L’artiste Hervé Tullet invite les enfants et les adultes à libérer leur créativité à travers une websérie originale : “l’Expo idéale”. Autour de la peinture, il y présente des ateliers qui proposent des expériences à vivre ensemble. Pour en savoir plus, la rédaction de Pomme d’Api a interviewé cet artiste “joueur”.
Comment éveiller la créativité de l’enfant ?
Hervé Tullet : Je ne sais pas répondre à cette question, je ne me sens pas spécialiste. Je fais même attention à ne pas réfléchir à des stratégies d’éveil artistique ! Je suis un expérimentateur. Je joue ! Avec des signes plutôt liés à l’enfance, c’est vrai : la tache, le point, la ligne, le gribouillage… Mais je n’ai aucun but pédagogique. Je propose des choses pour initier un dialogue, souvent créatif parce qu’inattendu. Ça peut devenir un apprentissage, mais ça n’est pas mon but. Faire découvrir que jaune + bleu = vert ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse, c’est le jeu qui va naître de cela.
Vous prenez plaisir à travailler avec les enfants…
H. T. : De plus en plus, mes ateliers mêlent tous les âges : je veux donner à tout le monde sa chance de jouer. Dans ces moments-là, la spontanéité, la joie première de l’enfant entraînent l’adulte. L’enfant est dans l’instant : il ne se pose pas de questions sur les tenants et les aboutissants de ce qu’on est en train de faire. Il y a du papier, du jaune, du rouge, du vert, et un chef d’orchestre : moi. Ça lui suffit ! Je donne le rythme, par ma voix, douce ou forte, par mes silences. C’est une sorte de jazz visuel improvisé. Je termine souvent les séances en mettant des bandes-son. Et là, je ne parle plus, la musique me remplace. Les joueurs continuent à peindre, à danser. Ils sont mes pinceaux !
L’important, c’est donc de faire, de se lancer ? Y compris en famille ?
H. T. : Ce qui m’importe, en tant qu’artiste, n’est pas de montrer ce que je sais faire, mais de donner à faire. De donner le geste à faire, de dévoiler l’acte de création, et d’en donner la possibilité. Et je l’imagine toujours dans une énergie collective, sachant que le collectif commence à deux. La première collectivité, c’est la famille. L’enfant qui se lance dans une “expo idéale” dans sa chambre cherche à la fois le regard et l’aide de l’autre. Bref, on est toujours dans le “faire ensemble”. Ce que préfère l’enfant, ce n’est ni le livre ni l’expo idéale, c’est d’être et de faire quelque chose avec ses parents.
S’amuser ainsi avec les couleurs, le papier, est-ce que ça éduque l’œil ?
H. T. : C’est une manière d’apprendre à regarder. Je propose un va-et-vient avec des références très fortes à l’art contemporain : le monochrome, le fait de s’échapper des murs par l’installation, les vibrations de couleurs, Matisse, Miró, Sol LeWitt… Ma pensée secrète, c’est que ce travail emmène à la culture – peinture, musique, cinéma, littérature… – et conduise à rencontrer des gens qui nous aident à penser et à regarder le monde : les artistes. Oui, j’ai cet espoir.
- Pour créer une Expo idéale, rendez-vous sur lexpoideale.com ou herve-tullet.com