Repas en famille
 et sans stress ! Illustration : Peter Elliot

Repas en famille
 et sans stress !

Il y a des repas en famille oĂč nos nerfs sont mis Ă  rude Ă©preuve. Et quel parent n’a alors jamais rĂȘvĂ© de jeter son tablier ? Quand il s’agit de nourrir nos enfants, nous y mettons beaucoup d’affect. Le savoir peut aider Ă  ajuster nos comportements pour des repas plus sereins.

Autour de la table, l’impact de nos souvenirs d’enfance


Les enfants Ă  table ! Et si on faisait baisser la pression ? - SupplĂ©ment parents Pomme d'Api - FĂ©vrier 2014 - Illustrations Peter ElliotRien ne cristallise plus notre angoisse de parents que la relation qu’entretiennent nos enfants avec la nourriture. RĂ©action naturelle, animale, puisqu’elle touche Ă  la survie. Mais pas seulement, car dans nos casseroles se mĂ©langent des ingrĂ©dients psychologiques complexes.

Isabelle Filliozat, psychothĂ©rapeute, nous invite Ă  nous interroger sur ce qu’évoque la cuisine pour nous, sur l’image que nous en conservons depuis l’enfance, sur les interdits et les permissions que nous y avons reçus. Qui faisait la cuisine ? Avec plaisir ou ennui et lassitude ? À table, qu’attendaient de nous nos parents ? Tout cela joue – dans un sens ou dans l’autre – sur notre attitude actuelle. Quand on a Ă©tĂ© privĂ© de dessert petit, il peut ĂȘtre difficile de rĂ©primer un “Si tu ne finis pas tes lĂ©gumes, tu n’auras pas de yaourt !” ou, Ă  l’inverse, on peut avoir envie de laisser son enfant ne manger que du sucrĂ©.

Pas facile alors de se dĂ©programmer pour changer d’attitude. Surtout quand il faut imaginer en vitesse un repas aprĂšs une journĂ©e de travail sous pression, tout en gĂ©rant le bain, les devoirs, et la fatigue de la maisonnĂ©e


Au menu, amour ou nourriture ?

Il y a des repas en famille où nos nerfs sont mis à rude épreuve. Et quel parent n’a alors jamais rêvé de jeter son tablier ? Quand il s’agit de nourrir nos enfants, nous y mettons beaucoup d’affect. Le savoir peut aider à ajuster nos comportements pour des repas plus sereins.“Je vais lui faire son petit plat prĂ©fĂ©rĂ©, il m’en dira des nouvelles
”, “J’ai prĂ©parĂ© ce gratin avec amour et personne ne finit son assiette ?”
 Ces phrases, qui ne les a pas prononcĂ©es ? Elles traduisent une attente bien prĂ©cise.

“Inconsciemment, les parents confondent don de nourriture et don d’amour”, notait Maryse Vaillant dans son livre Cuisine et dĂ©pendances affectives. Trop souvent, nous prĂ©parons Ă  manger pour qu’on nous aime ou pour montrer notre amour. Nous en attendons mĂȘme de la gratitude. Nous invitons mĂȘme notre enfant Ă  manger “une cuillĂšre pour Maman, une cuillĂšre pour Papa.” Mais un enfant ne mange pas pour son papa ou pour sa maman, mais pour lui. Rien de neutre dans cette cuillĂšre tendue.

Du refus net
 à la décision de manger

Face Ă  nous, un petit d’homme qui sent toutes nos attentes et
 dĂ©cide que, non, il ne mangera pas. Pas avec les couverts, mais Ă  la main ; pas assis, mais debout ; pas l’entrĂ©e, mais le dessert
 À l’ñge Pomme d’Api, un enfant a beaucoup Ă  prouver. En premier lieu, qu’il est un individu singulier, capable de dĂ©cider. Et donc de refuser, mĂȘme ses aliments prĂ©fĂ©rĂ©s.

Dans le mĂȘme temps, sa curiositĂ© est immense. Mais toutes ces nouveautĂ©s sont difficiles Ă  apprivoiser. Ce qui explique aussi ses refus. Lutter, interdire, forcer – on comprend alors que tout cela est vouĂ© Ă  l’échec.

Les parents, selon Maryse Vaillant, ne devraient pas “convaincre” un enfant de manger, mais “lui en donner la possibilitĂ©â€. En lui permettant de choisir, si nous nous en sentons capables. En acceptant par exemple une pĂ©riode “bananes” (c’est du “vĂ©cu”!), qui peut durer plusieurs jours. Tout autre aliment Ă©tant systĂ©matiquement Ă©cartĂ© avec un non trĂšs ferme. Quel rĂ©gime


Les bonnes maniùres, oui mais


Il y a des repas en famille où nos nerfs sont mis à rude épreuve. Et quel parent n’a alors jamais rêvé de jeter son tablier ? Quand il s’agit de nourrir nos enfants, nous y mettons beaucoup d’affect. Le savoir peut aider à ajuster nos comportements pour des repas plus sereins.De mĂȘme, face Ă  l’assiette, n’en demandons pas trop d’un coup Ă  nos enfants. À l’image de ce repas de famille oĂč d’appĂ©tissantes tranches de melon avaient Ă©tĂ© disposĂ©es dans chaque assiette. À la vue de ces assiettes, les enfants accourent. Mais une voix sĂšche assĂšne soudain : “On attend que tout le monde soit assis pour commencer !” Étrangement, l’appĂ©tit de certains s’est alors Ă©vanoui, soulevant des commentaires pincĂ©s : “Qu’est-ce qu’ils sont difficiles !”

Eh oui
 c’est difficile pour un petit de se plier Ă  nos bonnes maniĂšres. L’ensemble des rĂšgles de biensĂ©ance s’apprend petit Ă  petit. Aussi, si le repas est vĂ©cu comme un moment de bonheur autour de la table, nous pouvons fermer les yeux sur une petite bouche pleine et trĂšs bavarde


Apaiser les repas : mode d’emploi

On mange quoi, ce soir ? Quel casse-tĂȘte parfois pour Ă©chapper Ă  une crise ou Ă  des nĂ©gociations serrĂ©es autour de la table ! Sans cuisiner non plus un menu Ă  la carte pour chacun, voici quelques suggestions pour varier les goĂ»ts et les plaisirs et inciter les enfants Ă  sortir du purĂ©e-jambon-croque-monsieur-pĂątes. Elles demandent un peu de temps mais peuvent faire baisser la tension. À tester durant le week-end ou les vacances, donc.

Faire la cuisine avec eux

Pour dĂ©velopper leurs sens et leur envie de goĂ»ter, les associer Ă  la prĂ©paration du repas est efficace. Ils en seront tellement fiers ! Équeuter les haricots verts, Ă©cosser les petits pois, couper les pommes en morceaux (oui, mĂȘme Ă  3-4 ans on peut manipuler un couteau), pĂ©trir la pĂąte, voir couler la sauce


Pas la peine de les cantonner Ă  la pĂątisserie, tout leur plaĂźt, le sucrĂ© comme le salĂ©. MĂȘme faire la vaisselle les passionne ! Cela leur prouve que la nourriture n’existe pas sous forme toute prĂ©parĂ©e. Les parents, eux, doivent s’armer de patience et apprendre Ă  repĂȘcher le jaune tombĂ© dans le blanc !

Tester la fantaisie et la surprise

Il y a des repas en famille où nos nerfs sont mis à rude épreuve. Et quel parent n’a alors jamais rêvé de jeter son tablier ? Quand il s’agit de nourrir nos enfants, nous y mettons beaucoup d’affect. Le savoir peut aider à ajuster nos comportements pour des repas plus sereins.Et si on proposait aux enfants un pique-nique sur le tapis du salon ? Et si on faisait un repas orange ? Ou un repas Ă  l’envers, en commençant par le dessert ? Et si les enfants choisissaient le menu aujourd’hui ? Et si l’on faisait un repas qu’on mange avec les doigts ? Enfin, de temps en temps, pour se mĂ©nager une vraie pause entre adultes autour d’un repas, pourquoi ne pas faire manger les enfants avant ?

Les initier aux goûts

SucrĂ©, salĂ©, acide, amer, piquant
 Pas facile de mettre des mots sur ce que l’on sent avec sa langue. Incitez vos enfants Ă  dĂ©crire les goĂ»ts, faites-les parler (“Tu n’aimes pas, mais pourquoi ? Qu’est-ce que ça te rappelle ? Et l’odeur ?
”) Ils adorent les dĂ©gustations Ă  l’aveugle : une chips, un bout de courgette crue, un morceau de fromage
 Devinez ! Et vous aussi prĂȘtez-vous au jeu


Respecter une mĂȘme rĂšgle pour tous

Énoncer clairement la rĂšgle du jeu des repas en famille : chacun goĂ»te Ă  tout, au moins deux franches bouchĂ©es, avant de dĂ©clarer s’il aime ou non. Et la prochaine fois que l’aliment se retrouve sur la table, il goĂ»tera de nouveau
 Attention, ça vaut aussi pour les parents qui n’ont “jamais” aimĂ© le cĂ©leri ! On sera parfois surpris. Bon appĂ©tit !

Deux psys qui ont mis leur nez dans la cuisine

Bien dans sa cuisine, d’Isabelle Filliozat, J.-C. Lattès, 2012

Bien dans sa cuisine, d’Isabelle Filliozat, J.-C. Lattùs, 2012
L’auteure, qui pratique la mĂ©ditation, fait de la prĂ©paration d’un repas une aventure intĂ©rieure. Pour ne plus la vivre comme une corvĂ©e !


Cuisine et dépendances affectives, de Maryse Vaillant et Judith Leroy, Flammarion, 2006
Chaque famille vit au rythme des repas. Les auteurs nous proposent d’en comprendre les enjeux. Tout lecteur s’y reconnaütra par moments.

Anne Bideault – Illustrations Peter Elliot – SupplĂ©ment parents Pomme d’Api – FĂ©vrier 2014
Nos téléphones et nos enfants. Illustration : Pierre Fouillet

Nos téléphones et nos enfants

Nous l’avons (presque) toujours Ă  portĂ©e de main. C’est un objet magique aux yeux de nos enfants (et des nĂŽtres ?) Comment perçoivent-ils nos tĂ©lĂ©phones ? Comment l’intĂ©grer (mais pas trop !) dans notre vie avec eux ? Petites scĂšnes de vie quotidienne.

Nos téléphones et nos enfants - Cahier pour les Parents - Pomme d'Api, janvier 2014Un objet convoité

Nos tĂ©lĂ©phones et nos enfants - Cahier pour les Parents - Pomme d'Api, janvier 2014L’étĂ© dernier, AgnĂšs s’est fait voler son tĂ©lĂ©phone portable. Le coupable ? Son neveu de 6 ans, qui l’avait pris dans son sac Ă  main pour le ranger soigneusement dans sa boĂźte Ă  trĂ©sors. Commentaire de la victime : “J’ai rĂ©alisĂ© Ă  quel point cet objet peut faire envie aux enfants. Ne serait-ce que parce que les adultes y tiennent beaucoup et y consacrent beaucoup de temps.”
BenoĂźt, pĂšre de trois enfants de 7, 3 et 2 ans, complĂšte : “Tant qu’ils n’en connaissaient pas les possibilitĂ©s, nos enfants ne s’y intĂ©ressaient pas. DĂšs lors que nous leur avons montrĂ© qu’on pouvait jouer, colorier, regarder des dessins animĂ©s, ils l’ont rĂ©clamé !”
Nos tĂ©lĂ©phones et nos enfants - Cahier pour les Parents - Pomme d'Api, janvier 2014À l’opposĂ©, Marie a bien un tĂ©lĂ©phone, mais elle sait rarement oĂč il est et s’il est chargĂ©. Il laisse ses fils indiffĂ©rents. Bref, par le rapport qu’ils entretiennent avec leur tĂ©lĂ©phone, les parents influencent le comportement de leurs enfants. Ceux qui l’ont toujours en main risquent fort de devoir le partager !

Un téléphone pour se souvenir

“DĂšs que je sors mon smartphone de ma poche, s’amuse Emmanuelle, mĂšre de trois filles ĂągĂ©es de 10, 8 et 2 ans, ma petite derniĂšre prend immĂ©diatement la pose en disant “cheese”. Puis elle vient voir la photo.” Bonheurs quotidiens, rĂ©alisations manuelles, grandes prouesses et petites victoires, nous mettons tout ce que nous vivons de positif dans la boĂźte. Et les enfants le rĂ©clament : “Tu fais une vidĂ©o de moi sur mes rollers ?”

Paradoxalement, rares sont ceux d’entre nous qui s’assurent de la sauvegarde de tous ces souvenirs numĂ©riques, pour l’heure guĂšre maĂźtrisĂ©e. “Si l’on prend trop souvent un enfant en photo, met en garde le psychologue Serge Tisseron ce mois-ci dans le magazine Popi,  il risque alors de penser que ses parents le prĂ©fĂšrent en image plutĂŽt que dans la rĂ©alitĂ©, qu’ils l’aiment plus sur les photos que pour de vrai. Mieux vaut choisir de mettre en valeur ses productions (dessins, peintures
). LĂ , le message est clair : nous t’aimons pour ce que tu fais, pas pour ton image.”

Reste que les enfants revivent avec dĂ©lectation leurs aventures des mois prĂ©cĂ©dents. C’est l’utilisation favorite des plus petits.

Un téléphone pour se divertir

Nos tĂ©lĂ©phones et nos enfants - Cahier pour les Parents - Pomme d'Api, janvier 2014À bien y rĂ©flĂ©chir, aucun jouet ne coĂ»te aussi cher que celui-lĂ . On comprend la rĂ©action offusquĂ©e d’une grand-mĂšre : “Vous lui mettez dans les mains un objet qui vaut 500 euros ?” Pour cette raison, BenoĂźt ne prĂȘte son tĂ©lĂ©phone qu’à certaines conditions : “Il faut que les enfants restent bien assis, sinon, c’est terminé !”

Avec l’intuition qui les caractĂ©rise, l’appareil leur est rapidement familier. Ils retrouvent facilement les jeux. “Mes enfants me rĂ©clament souvent mon tĂ©lĂ©phone pour jouer, explique AgnĂšs. J’ai Ă©tĂ© obligĂ©e d’instaurer des rĂšgles, car ça gĂ©nĂ©rait des disputes. Par contre, ça me sert d’alibi : nous n’avons pas de console de jeux, ni de DS, et nous n’en achĂšterons pas : il y a le tĂ©lĂ©phone !”

Un téléphone pour patienter

Une pĂ©diatre en faisait la remarque : “Aujourd’hui, dans ma salle d’attente, les enfants jouent sur des Ă©crans. À mon sens, rien ne peut remplacer la manipulation de vraies piĂšces de puzzle en carton, que l’on peut retourner, tripoter, mĂąchouiller !”

Nos tĂ©lĂ©phones et nos enfants - Cahier pour les Parents - Pomme d'Api, janvier 2014Pour les parents, avouons-le, quelle invention gĂ©niale ! “À la maison, c’est rare que je leur permette d’y jouer, explique BenoĂźt, mais dĂšs qu’il faut attendre, on y a recours : dessins animĂ©s, coloriages, jeux, musique
” En train, en voiture, en avion, c’est pratique.

Pascale, qui se dĂ©finit pourtant comme “addict”, modĂšre son enthousiasme : “Je ne peux pas m’empĂȘcher de penser que si j’avais prĂ©vu un livre ou un magazine pour la salle d’attente, ce serait un moment plus sympa pour mon fils et pour moi. On serait ensemble, plutĂŽt que chacun de son cĂŽtĂ©, cĂŽte Ă  cĂŽte. J’ai un peu mauvaise conscience.”

Un téléphone pour
 communiquer

Nos tĂ©lĂ©phones et nos enfants - Cahier pour les Parents - Pomme d'Api, janvier 2014La fonction premiĂšre du tĂ©lĂ©phone passe au second plan pour les enfants. Ils l’oublient, mĂȘme. “Toi ? Un tĂ©lĂ©phone ? Mais pour appeler qui ?” s’est exclamĂ©e AgnĂšs lorsque sa fille lui en a fait la demande en
 CE1. La petite a ouvert de grands yeux Ă©tonnĂ©s : “Mais personne !” Elle ne pensait qu’à toutes les autres fonctions que propose l’appareil, comme d’autres rĂ©clament une DS ou une Wii.

Rien d’étonnant Ă  tout cela, tout compte fait : sur les 128 minutes que nous passons quotidiennement sur notre tĂ©lĂ©phone portable, seulement 12 sont consacrĂ©es Ă  des conversations tĂ©lĂ©phoniques. Les enfants intĂšgrent cependant trĂšs vite la notion de “messages”, en oubliant mĂȘme qu’on peut aussi parler avec le tĂ©lĂ©phone : “On envoie un message pour inviter mon copain ?” rĂ©clame Robinson du haut de ses 5 ans.

L’envoi de photos, et, pour les plus Ă©quipĂ©s, les communications vidĂ©o, ont aussi beaucoup de succĂšs. “On se met tous ensemble, et on appelle leur mamie ou leur cousin, explique Pascale, ils sont ravis de se voir !”

Un téléphone qui déconcentre

Comme un tĂ©lĂ©viseur allumĂ© dans une piĂšce, si l’on n’y prend pas garde, le tĂ©lĂ©phone portable happe l’attention de tous. Car il a une vie autonome. Il bipe, il vibre, il s’éclaire, et nous dĂ©concentre : “Houhou ! Tu as reçu un message ! Houhou ! Quelqu’un t’a appelé ! Houhou ! C’est l’anniversaire de ta collĂšgue
”

Il est la porte par laquelle le monde extĂ©rieur, la sphĂšre professionnelle, les sollicitations diverses s’invitent dans notre foyer. Quand il nous sonne, nous accourons, perdant souvent conscience de ce qui est vraiment important Ă  nos yeux. “Papaaa ! À toi de jouer !” Mais Papa vient de recevoir un message et son esprit est ailleurs.

“J’essaie de ne pas le regarder Ă  tout bout de champ, reconnaĂźt aussi Pascale, maman de deux garçons. Il est toujours sur silencieux et hors de leur vue. Je ne l’utilise pas sous leur nez, sinon, ils sont tentĂ©s !” AnaĂŻs a trois enfants et une position arrĂȘtĂ©e : “Ils ne l’ont jamais touchĂ©. J’ai peur de l’influence des ondes sur leur cerveau, et je ne veux pas leur donner le modĂšle de l’adulte avec son portable greffĂ© Ă  l’oreille.”

Quel que soit l’usage que l’on en fait, le pouvoir d’attraction du smartphone nous oblige donc Ă  clarifier notre position Ă©ducative vis-Ă -vis de lui. Quand on y pense
 “Non, mais allĂŽ, quoi !”

Propos recueillis par Anne Bideault – Illustrations Pierre Fouillet
Imaginer la bibliothÚque idéale des 3-7 ans. Illustration : Robin

Imaginer la bibliothÚque idéale des 3-7 ans

Difficile de s’y retrouver parmi les milliers d’albums de la littĂ©rature jeunesse
 Pour vous aider Ă  choisir, Ă  la rĂ©daction de Pomme d’Api, nous avons dĂ©cidĂ© de vous prĂ©senter nos “chouchous”, livres gardĂ©s prĂ©cieusement que nos enfants soient petits ou devenus grands.

La bibliothÚque idéale de la rédaction Pomme d'Api

La bibliothÚque idéale de la rédaction Pomme d'Api

AgnÚs, rédactrice en chef

Elle a horreur des rĂ©unions, mais on peut toujours la dĂ©ranger, mĂȘme quand elle rĂ©dige ses Ă©ditos ! Sa sĂ©lection rassemble trois gĂ©nĂ©rations d’enfances : la sienne, celle de ses enfants et celle, toute nouvelle, de ses petits-enfants.

  • Un livre, d’HervĂ© Tullet, Bayard Ă©ditions jeunesse (2010).
    Il est magique ce livre ! Si on suit les instructions de la quatriĂšme de couverture : “C’est un livre, fais comme il te dit et tu vas voir
 ”, on fait apparaĂźtre des points, jaunes, rouges et bleus. On les multiplie, on les dĂ©place, on les secoue, ils grossissent, et mĂȘme, deviennent Ă©normes ! Bref, on joue comme on n’a jamais jouĂ© et agi sur un livre. Et ce pouvoir rend fier et heureux. → DĂšs 2 ans.
  • La bibliothĂšque idĂ©ale de la rĂ©daction Pomme d'ApiPoule rousse, de Lida et Étienne Morel, PĂšre Castor Flammarion (1956).
    Comme elle est belle et grassouillette la poule rousse !” se dit le renard. Ni une ni deux, il la capture et l’emporte. Mais c’est sans compter sur le courage et la ruse de la tourterelle qui, au pĂ©ril de sa vie, sauvera son amie. Un classique du PĂšre Castor publiĂ© dans les annĂ©es cinquante, qui doit son succĂšs au charme surannĂ© des illustrations, mais aussi aux jolies valeurs qu’il dĂ©fend. → DĂšs 3 ans.
  • Ma maman a besoin de moi, de Mildred Pitts Walter, Claude et Denise Millet, Bayard Ă©ditions jeunesse, coll. Les Belles Histoires (2001).
    Quel bouleversement dans la vie de Simon, il vient d’avoir une petite sƓur. Du coup, il ne sait plus bien oĂč il en est, tiraillĂ© entre l’envie de poursuivre ses activitĂ©s de toujours, et celle d’aider une maman trĂšs prise par ce nouveau bĂ©bĂ©. Un album qui porte un regard attentif et tendre sur ce petit qui a du mal Ă  trouver sa place, mais qui finalement se rĂ©assurera dans les bras de sa maman. → DĂšs 3 ans.

La bibliothÚque idéale de la rédaction Pomme d'Api

Sylvie Chef de rubrique

“Comment se nourrissent les arbres ?” “Pourquoi il ne faut pas manger ses crottes de nez ?” À ces questions insolites mais cruciales, Sylvie apporte des rĂ©ponses instructives, dĂ»ment testĂ©es auprĂšs de ses enfants.

  • Oh non, George ! de Chris Haughton, Ă©ditions Thierry Magnier (2012).
    George le chien a promis d’ĂȘtre sage. Mais peut-on lui faire confiance ? Peut-il d’ailleurs lui-mĂȘme se faire confiance, alors qu’il lui est impossible de rĂ©sister Ă  la tentation d’un gĂąteau, d’un chat Ă  courser ou d’un parterre de fleurs Ă  massacrer ? De page en page, le lecteur se rĂ©gale à rĂ©pĂ©ter le leitmotiv : “Que va faire George ?” immanquablement suivi d’un : “Oh non, George !” → DĂšs 3 ans. 
  • Le prince tigre, de Chen Jiang Hong, l’École des loisirs (2007).
    Qu’est-ce qui va bien pouvoir apaiser la soif de vengeance d’une mĂšre tigre dont les hommes ont tuĂ© les petits ? Et n’est-ce pas folie que de lui envoyer Wen, le tout jeune fils du roi ? Dans la Chine ancienne, un conte de sagesse, vĂ©ritable ode Ă  l’instinct et Ă  l’amour maternel, servi somptueusement par les images Ă  l’encre d’un vĂ©ritable peintre. → DĂšs 6 ans.
  • La bibliothĂšque idĂ©ale de la rĂ©daction Pomme d'ApiChien bleu, de Nadja, l’École des loisirs (1989).
    En cachette de ses parents, et sur les traces d’un mystĂ©rieux chien bleu, Charlotte s’aventure dans une inquiĂ©tante forĂȘt. Heureusement, Chien bleu veille sur elle. Il accompagnera Charlotte et la ramĂšnera saine et sauve, forte d’une expĂ©rience unique et rassurĂ©e par l’Ă©vidence d’un lien que rien ne saura dĂ©truire. Un album à la fois sombre et lumineux qui continue de fasciner les enfants. → DĂšs 4 ans.
  • Devine combien je t’aime, de Sam McBratney, Anita Jeram, l’Ă©cole des loisirs (2000).
    VoilĂ  vingt ans bientĂŽt que Grand LiĂšvre et Petit LiĂšvre se dĂ©clarent leur amour, pour le plusgrand bonheur de tous les papas et les enfants du monde. Certes, le message est simple, mais il est irrĂ©sistible et provoque immanquablement chez ses lecteurs l’envie de jouer Ă  leur tour Ă  cette surenchĂšre de dĂ©clarations. Il faut dire que les aquarelles d’Anita Jeram n’y sont pas pour rien ! → DĂšs 3 ans.

La bibliothÚque idéale de la rédaction Pomme d'Api

Marie-Pascale chef de rubrique

Elle joue, colle, bricole
 toute la journĂ©e. Ses ciseaux ne la quittent jamais, et pour ne pas risquer de les Ă©garer, elle les a lestĂ©s d’un grelot
 un son plus agrĂ©able Ă  ses oreilles que celui des portables qu’elle dĂ©teste !

  • Le plus grand livre du monde, de Richard Scarry, Gautier-Languereau (1986).
    Qui peut rĂ©sister Ă  l’envie de manipuler un livre dont le titre est une telle promesse : quarante centimĂštres de large sur soixante et un centimĂštres de haut. Qui dit mieux ? Un imagier sur lequel on peut se coucher, pour s’y nicher et vagabonder en dĂ©taillant la richesse des propositions du maĂźtre amĂ©ricain Richard Scarry. → DĂšs 3 ans.
  • La bibliothĂšque idĂ©ale de la rĂ©daction Pomme d'ApiBonsoir lune, de Margaret Wise Brown, Clement Hurd, l’École des loisirs (1981).
    Quoi de mieux que cet album amĂ©ricain aux images dĂ©licieusement dĂ©suĂštes (la premiĂšre Ă©dition date de 1947), pour accompagner un petit enfant au bord du sommeil ? De page en page, le mĂȘme petit lapin, installĂ© dans le mĂȘme lit de la mĂȘme chambre, s’endort et dit au revoir sous l’Ɠil bienveillant de la lune. Les images sont, elles, subtilement et progressivement modifiĂ©es et voilĂ©es par la nuit qui s’installe. → DĂšs 3 ans.
  • L’album d’AdĂšle, de Claude Ponti, Gallimard Jeunesse (1986).
    Encore un livre grand par sa taille et sa richesse. Un format en largeur cette fois, inventĂ© par Claude Ponti, au tout dĂ©but de sa carriĂšre d’illustrateur, pour sa fille AdĂšle. Dans ce drĂŽle d’imagier, on recensera tout un monde de poussins, de chats, de maisons et de personnages qui s’accumulent au fil des pages, s’emmĂȘlent et se bousculent. Tout y est dĂ©jĂ , de ce qui va faire l’univers fantasque et absurde de ce maĂźtre de la littĂ©rature jeunesse. → DĂšs 3 ans.

La bibliothÚque idéale de la rédaction Pomme d'Api

Olivier, directeur artistique

Les images, les couleurs de Pomme d’Api, c’est son boulot. Quand il lĂšve la tĂȘte de son Mac, c’est pour donner son avis sur un ZigZag, peaufiner un bricolage ou monter sur une chaise pour prendre les photos de ce dossier !

  • Grand loup & Petit loup, de Nadine Brun-Cosme, Olivier Tallec, PĂšre Castor Flammarion (2005).
    Alors qu’il vit Ă  l’Ă©cart, la solitude d’un grand loup est compromise par un petit loup qui vient, sans façon, s’installer Ă  ses cĂŽtĂ©s. Petit Ă  petit, imperceptiblement, le grand loup va devoir composer avec l’intrus. Lui cĂ©der un bout de couverture ou un fruit. Et quand le petit s’en va sans explication, Grand loup s’inquiĂšte. Toute la gamme subtile des Ă©motions par un grand auteur d’aujourd’hui. → DĂšs 5 ans.
  • Caca boudin, de Stephanie Blake, l’École des loisirs (2002).
    Petit Lapin n’a qu’une formule Ă  la bouche : “Caca boudin !” Qu’il s’adresse Ă  ses parents ou au loup, c’est pareil. Sauf que le loup, lui, l’avale tout cru
 Et se retrouve Ă  rĂ©pĂ©ter lui aussi : “Caca boudin !” Un album d’une franche vitalité que les enfants adorent pour ce petit hĂ©ros qui leur ressemble : exaspĂ©rant parfois, toujours drĂŽle et investi par ses parents d’un amour qui le rend fort. → DĂšs 3 ans.
  • La bibliothĂšque idĂ©ale de la rĂ©daction Pomme d'ApiOn est les champions ! de Bernard Ciccolini, l’École des loisirs (2005).
    Pauvre Ficelle, Gros Jean le cochon l’a mise au dĂ©fi, elle et ses amis, de gagner un match de foot contre sa propre Ă©quipe. Heureusement, Ficelle a un plan : chaque membre de la petite bande utilisera Ă  bon escient ses spĂ©cificitĂ©s pour gagner. La grenouille sautera, l’Ăąne ruera, la souris se faufilera. Eh oui, pas besoin d’ĂȘtre fort quand on est solidaires et malins ! → DĂšs 5 ans.
  • Petit-Bleu et Petit-Jaune, de Leo Lionni, l’École des loisirs (1970).
    Toujours copiĂ©, jamais Ă©galĂ©, cet ovni nĂ© en 1970, parvient Ă  plonger le lecteur dans les affres et s’inquiĂ©ter du sort de deux taches de couleurs. Par la magie de la narration et du graphisme, elles deviennent Petit-Bleu et Petit-Jaune, deux amis perdus puis retrouvĂ©s, qui s’embrassent, pleurent et s’amusent, pour notre plus grande joie. → DĂšs 3 ans.

La bibliothÚque idéale de la rédaction Pomme d'Api

Sophie, chef de rubrique

C’est sous sa plume volubile que prend vie chaque mois la famille NoĂ©. C’est elle aussi qui sĂ©lectionne les manuscrits et accompagne les auteurs des grandes histoires de Pomme d’Api.

  • La reine des bisous, de Kristien Aertssen, l’École des loisirs (2002).
    Parfois les mamans sont tellement occupĂ©es qu’elles disent Ă  leur princesse qui rĂ©clame leur attention : “Prends mon avion et va trouver la reine des bisous.” Mais cette reine existe-t-elle vraiment ? Comme c’est amusant de dĂ©couvrir, transposĂ©e dans le monde des reines et des princesses, une situation familiale dans laquelle beaucoup se reconnaĂźtront. → DĂšs 4 ans.
  • L’ogresse et les sept chevreaux, de Praline Gay-Para, Martine Bourre, Didier Jeunesse (2013). Dans cette version dĂ©calĂ©e du conte de la chĂšvre et des sept chevreaux, ce n’estLa bibliothĂšque idĂ©ale de la rĂ©daction Pomme d'Api pas un loup qui s’attaque aux petits, mais une ogresse. C’est de cette figure de mauvaise mĂšre que la gentille et aimante mĂšre chĂšvre va triompher. Un conte qui remue et qui fait un peu peur, puis qui rassure, brillamment ciselĂ© par la plume de la conteuse Praline Gay-Para. → DĂšs 4 ans.
  • Tout un monde, d’Antonin Louchard, Katy Couprie, Ă©ditions Thierry Magnier (1999).
    C’est un petit livre carrĂ© et Ă©pais, sans un mot de texte, mais fourmillant de photos et de dessins, tous incroyablement colorĂ©s. Un capharnaĂŒm que l’on va dĂ©couvrir finalement trĂšs bien ordonnĂ© au fil des pages qui, par associations, s’enchaĂźnent et se rĂ©pondent, dans un esprit toujours drĂŽle et surprenant. Les petits, eux, adorent, commentent et s’y baladent. À vous de les accompagner. → DĂšs 3 ans.
  • Les mots de Zaza, de Jacqueline Cohen, Bernadette DesprĂ©s, Bayard Ă©ditions jeunesse, coll. Les Belles Histoires (2000). 
    Zaza la souris collectionne et ordonne les mots. Elle les range sous des cloches. Il y a celle pour les mots gentils, celle pour les mots de tous les jours et enfin celle pour les gros mots. C’est cette cloche-lĂ  que Zaza adore secouer, au risque de semer une Ă©normepagaille dans la famille. Une histoire truculente sur l’usage des mots par l’auteure des cĂ©lĂšbres Tom-Tom et Nana. → DĂšs 3 ans.

La bibliothÚque idéale de la rédaction Pomme d'Api

Laurence, secrétaire générale de rédaction

Un Ɠil rivĂ© sur son dictionnaire, l’autre sur son agenda, Laurence traque les fautes
 et les retardataires, car l’imprimeur n’attend pas ! Et pour lutter contre le stress, elle dĂ©compresse en pratiquant le yoga.

  • La chasse Ă  l’ours, de Michael Rosen, Helen Oxenbury, l’École des loisirs (1997).
    “Nous allons Ă  la chasse Ă  l’ours, nous allons en prendre un trĂšs gros !” Cette incantation, qui traverse tout l’album, rĂ©sume l’incroyable aventure d’un pĂšre et de ses enfants. À travers champs, bois et riviĂšre, dans l’eau et la gadoue, scandĂ© par un texte qui fait la part belle Ă  de rĂ©jouissantes onomatopĂ©es (splich splach !), un album qui fait battre le cƓur et se termine en apothĂ©ose. → DĂšs 3 ans.
  • La bibliothĂšque idĂ©ale de la rĂ©daction Pomme d'ApiBĂ©bĂ©s Chouettes, de Martin Waddell, Patrick Benson, l’Ă©cole des loisirs (1993).
    La maman des bĂ©bĂ©s chouettes Sarah, RĂ©my et Lou est partie. C’est sĂ»r, elle rentrera bientĂŽt, mais l’inquiĂ©tude est lĂ . Surtout pour les aĂźnĂ©s, qui doivent en plus rassurer le cadet qui ne sait que rĂ©pĂ©ter en boucle  : “Je veux ma maman !” Un album qui a tout compris des émotions des petits et qui reste le chouchou des crĂšches et des maternelles, pour accompagner l’Ă©preuve de la sĂ©paration. → DĂšs 3 ans.
  • Max et les Maximonstres, de Maurice Sendak, l’École des loisirs (1963).
    On ne raconte pas Max et les Maximonstres, un des albums cultes de la littĂ©rature jeunesse. Sachez seulement qu’on y rencontre Max, un petit garçon frondeur. Sa maman l’a puni. Qu’Ă  cela ne tienne, enfermĂ© entre les quatre murs de sa chambre, Max lĂąche la bride Ă  ses pulsions et son imagination et s’embarque, toutes voiles dehors, au pays des Maximonstres. À lire absolument. → DĂšs 4 ans.

La bibliothÚque idéale de la rédaction Pomme d'Api

Évelyne, assistante de la rĂ©daction

Du haut de son mĂštre soixante-seize, rien n’Ă©chappe Ă  la bienveillante sagacitĂ© d’Évelyne qui rĂ©ceptionne tous vos messages, comme vos questions pour ZigZag, et se met en quatre pour faciliter la vie de la rĂ©daction.

  • La bibliothĂšque idĂ©ale de la rĂ©daction Pomme d'ApiMireille l’Abeille, d’Antoon Krings, Gallimard jeunesse, collection GiboulĂ©es (1999).
    Qui a volĂ© les dĂ©licieux pots de miel fabriquĂ©s par Mireille, l’hĂ©roĂŻne de cet opus qui prend place dans la cĂ©lĂšbre sĂ©rie des “drĂŽles de petites bĂȘtes” ? Difficile de rĂ©sister Ă  ce monde d’insectes humanisĂ©s aux couleurs pĂ©tantes. → DĂšs 3 ans.
  • Arc-en-ciel, le plus beau poisson des ocĂ©ans, de Marcus Pfister, Ă©ditions Nord-Sud (1992).
    Imaginez un album aux douces couleurs irisĂ©es, dont le hĂ©ros est un petit poisson qui possĂšde des Ă©cailles qui brillent pour de vrai, et qu’on peut caresser du bout des doigts ! TrĂšs vaniteux, Arc-en-ciel est si fier de sa beautĂ© qu’il n’a aucun ami. Il devra cependant apprendre Ă  partager, en offrant Ă  chaque poisson une de ses Ă©cailles. Une jolie morale de partage. → DĂšs 3 ans.

La bibliothÚque idéale de la rédaction Pomme d'Api

Marie, graphiste

Quand elle ne met pas en pages les textes et les illustrations de Pomme d’Api, Marie dessine pour le journal Babar, coud des sacs en sarongs ou des vĂȘtements pour sa petite Marcelle de tout juste un an !

  • La bibliothĂšque idĂ©ale de la rĂ©daction Pomme d'ApiErnest et CĂ©lestine ont perdu SimĂ©on, de Gabrielle Vincent, Casterman (1994).
    CĂ©lestine a perdu SimĂ©on son doudou, dans la neige. L’ours Ernest a beau lui acheter d’autres peluches, la petite souris demeure inconsolable. Une aventure tendre et douce d’une famille pas comme les autres, pour faire connaissance – si ce n’est dĂ©jĂ  fait – avec la grĂące, la dĂ©licatesse et la justesse des formidables hĂ©ros de la regrettĂ©e Gabrielle Vincent. → DĂšs 4 ans.
  • Le gĂ©ant de Zeralda, de Tomi Ungerer, l’Ă©cole des loisirs (1971).
    Quand la petite Zeralda qui adore cuisiner secourt un gĂ©ant quasiment mort de faim, elle ne sait pas qu’elle se jette dans la gueule du loup. Pourtant, n’Ă©coutant que sa gĂ©nĂ©rositĂ©, elle n’aura de cesse de rĂ©galer son gĂ©ant, bouleversant du mĂȘme coup leurs deux destinĂ©es. Un des chefs-d’Ɠuvre les plus aboutis de l’ogre Ungerer, acĂ©rĂ© comme un couteau, dĂ©licieux comme une pĂątisserie. → DĂšs 5 ans.
La rĂ©daction de Pomme d’Api, supplĂ©ment pour les parents, novembre 2013 – Illustrations Robin
Comment apprendre la politesse aux enfants sans se crisper ? Illustration : Pierre Fouillet

Comment apprendre la politesse aux enfants sans se crisper ?

“Dis bonjour !” “Et le mot magique ?”
 Ces rappels Ă  l’ordre Ă©maillent nos relations avec nos enfants. Qu’il semble long, l’apprentissage de la politesse ! Et que de gĂȘne et de tensions il gĂ©nĂšre, chez les petits comme chez les grands ! Y a-t-il d’autres façons de l’envisager ?

Comment leur apprendre la politesse sans se crisper ?Un problĂšme pour les adultes

De la honte ! VoilĂ  ce que je ne peux m’empĂȘcher d’Ă©prouver quand dĂ©filent devant moi, tout sourire, les trois enfants de nos invitĂ©s, qui lancent un franc et tonitruant “Bonjour madame !” en me tendant leur joue. CachĂ©e dans mon dos, ma grande fille de 5 ans regarde les arrivants par en dessous sans dĂ©crocher un mot. Et moi, embarrassĂ©e, de chercher des explications alambiquĂ©es Ă  son comportement.

Mais cette honte rĂ©currente fait pendant Ă  une autre gĂȘne. Celle que j’Ă©prouve en repensant Ă  une scĂšne pĂ©nible : un sermon assĂ©nĂ© par un pĂšre Ă  sa fille qui n’avait pas saluĂ© un grand-oncle en le regardant dans les yeux. Tenant fermement la petite par le bras, devant le vieux monsieur trĂšs gĂȘnĂ©, le pĂšre avait attendu qu’elle s’exĂ©cute, les yeux pleins de larmes, avant de l’envoyer au lit.

Quoi, l’apprentissage de nos conventions sociales passerait donc par l’humiliation ? Mon passĂ© d’enfant timide en mĂ©moire, je ne peux m’y rĂ©soudre. Un “merci” prononcĂ© sous le regard foudroyant de sa mĂšre exprime-t-il une vraie gratitude ou simplement la crainte d’ĂȘtre grondé ? Un “mot magique” extorquĂ© par chantage (“Tu n’auras pas le bonbon”) est-il satisfaisant ?

Je prĂ©fĂšre encore prendre patience et vivre avec ma petite honte. Et puis, quel adulte se formalise vraiment lorsqu’un petit ne lui dit pas bonjour ? Finalement, il n’y a que les parents qui sont gĂȘnĂ©s !

L’enfant s’exprime autrement

Enfin dimanche ! Martin, 3 ans, rejoint ses parents Ă  la table du petit-dĂ©jeuner. Tout heureux Ă  l’idĂ©e de passer la journĂ©e avec eux, il s’Ă©crie : “Mmm, je veux un grand bol de chocolat !” “Qu’est-ce qu’on dit ?” lui rĂ©plique son pĂšre sĂšchement, sans voir le sourire s’Ă©teindre sur le visage de son fils.

Pourtant, dans la phrase et l’attitude du petit, la joie d’ĂȘtre ensemble s’exprimait trĂšs clairement. Et n’est-ce pas Ă  cela que servent les mots “bonjour”, “merci”, “s’il te plaĂźt” ? À dire Ă  l’autre : “Tu es lĂ , je t’ai vu, tu ne m’es pas indiffĂ©rent” ?

Il faut du temps pour que les enfants intĂšgrent notre langage stĂ©rĂ©otypĂ©. Le leur est d’abord trĂšs corporel. Ainsi, aux parents qui reprennent leurs petits Ă©coliers d’un “tu dis bonjour Ă  la maĂźtresse”, Lucie Lagardette, enseignante de petite section, rĂ©pond : “Il m’a dit bonjour avec les yeux, je l’ai vu.”

Oui, les yeux, les sourires, les gestes en disent beaucoup. Un enfant qui serre de joie le cadeau dĂ©ballĂ© le jour de son anniversaire manifeste son Ă©motion avec beaucoup plus de force qu’un “chien savant” (le terme est de Françoise Dolto !) qui va docilement prononcer son “merci”.

L’enfant est sincùre

Il faut le reconnaĂźtre, parfois, ni les yeux, ni les gestes ne viennent compenser l’absence de salut. Votre enfant ne dit pas bonjour, ni de la voix ni du corps ! Pourquoi ? Parce que, rĂ©pondait dĂ©jĂ  Françoise Dolto en 1946, “un enfant est beaucoup plus sincĂšre que nous. Pour nous, dire ‘bonjour’ n’a aucune valeur affective, de mĂȘme que dire ‘pardon’. Qui de nous n’a pas dit ‘pardon’ en se cognant Ă  un rĂ©verbĂšre ?

Pour l’enfant, les mots ont leur sens plein. Il a raison – instinctivement parlant – de ne pas dire ‘bonjour’ Ă  un ĂȘtre qui lui est indiffĂ©rent.” Il choisit !

Les personnes qu’aime l’enfant vont ĂȘtre saluĂ©es d’une façon ou d’une autre, mais les autres
 non. En grandissant, il va devenir un ĂȘtre social et comprendre peu Ă  peu Ă  quoi servent ces petits mots facilitateurs, et nous imiter en distribuant bonjours, mercis et pardons, de façon rĂ©flexe.

Le cas du bisou


En France, on aime les bisous ! À la sortie de l’Ă©cole, il n’est pas rare que les adultes se saluent d’un simple bonjour, alors qu’ils vont faire des bises aux enfants, qui s’y plient avec plus ou moins de bonne volontĂ©. Cela vaut le coup de s’interroger sur cette pratique.

Avoir un contact physique avec quelqu’un qu’on ne connaĂźt pas tellement, ce n’est pas agrĂ©able, surtout quand, comme les enfants, on n’a pas intĂ©grĂ© cette convention sociale bien française de la bise – deux, trois ou quatre ? Il n’y a qu’Ă  penser Ă  la gĂȘne des touristes Ă©trangers à qui l’on tend une joue pour se rendre compte que ce n’est pas rien.

Pour la politesse, apprenons la patience !

Comment leur apprendre la politesse sans se crisper ?Ne nous mĂ©prenons pas, je prĂ©fĂ©rerais bien sĂ»r que ma fille dise spontanĂ©ment bonjour et merci ! À plusieurs reprises, nous lui avons expliquĂ© pourquoi cela avait de l’importance pour nous. Mais ces leçons ont surtout eu l’effet dĂ©sastreux de souligner notre attente et notre crispation. Un cercle vicieux !

Nous tablons bien sĂ»r sur l’exemplarité – vous ai-je dit que je suis extrĂȘmement courtoise ? – et ne manquons pas de nous remercier les uns les autres pour les moindres attentions, mĂȘme celles qui semblent aller de soi : merci d’avoir mis la table, prĂ©parĂ© le repas, rangĂ© le salon
 Et puis n’oublions pas de saisir les occasions de dĂ©velopper ces mots trop familiers.

PlutĂŽt qu’un bref “merci”, prononcer une phrase entiĂšre : “Tu m’as rendu service en rangeant les pinces Ă  linge. Ça m’a beaucoup aidĂ©.” MĂȘme “bonjour” se laisse traduire par “ça me fait plaisir de te voir !” Une maniĂšre de rappeler sans grands discours le vrai sens de ces mots. Une façon de cultiver en eux la vraie politesse, celle qui vient du cƓur, et qui prend l’autre en considĂ©ration.

Dressez l’oreille ! Vous verrez : les sĂ©ances de dĂ©guisement, de dĂźnette ou de marchande, prouvent bien que les conventions de politesse sont intĂ©grĂ©es : “Bonjour madame, que voulez-vous manger ? Ah ! Merci bien, c’Ă©tait succulent !”

Reste Ă  attendre que la timiditĂ© et la fiertĂ© de ne pas cĂ©der aux attentes parentales baissent un peu la garde. Et puis rassurons-nous : les enfants sont bien plus polis quand nous ne sommes pas lĂ  pour l’ĂȘtre Ă  leur place !

Anne Bideault, illustrations Pierre Fouillet.
Comment la maßtrise du vocabulaire aide le développement des enfants ? © Fotolia

Comment la maĂźtrise du vocabulaire aide le dĂ©veloppement des enfants ?

L’apprentissage des mots permet au tout-petit de constituer peu Ă  peu le langage dont il ne peut pas se passer pour Ă©voluer. Plus son vocabulaire sera riche et maĂźtrisĂ©, plus l’enfant comprendra, communiquera et apprendra facilement ! Le rĂŽle des parents est essentiel dans son acquisition. Nos conseils pour l’aider Ă  progresser.

À quoi sert le vocabulaire ?

Les colĂšres fulgurantes des tout-petits s’expliquent souvent par leur incapacitĂ© Ă  communiquer. DĂšs lors qu’ils ont des mots pour s’exprimer et une oreille attentive, ces accĂšs de fureur disparaissent comme par enchantement !

L’enfant en fait l’expĂ©rience tout au long de sa croissance : plus son vocabulaire s’enrichit, plus il peut nommer ce qu’il ressent, le comprendre et le partager avec ses proches. Il est en train de se fabriquer un outil fabuleux, le langage, qui va lui servir Ă  nouer des relations, aborder le monde et y faire sa place.

Que permet sa maßtrise ?

L’acquisition du vocabulaire est un passage obligĂ© dans de nombreux apprentissages, qu’ils soient scolaires ou non. À l’Ă©cole, il faut bien comprendre ce que dit le maĂźtre : si l’enfant entend des mots qu’il ne connaĂźt pas, comment pourra-t-il rĂ©pondre correctement Ă  la demande de l’enseignant ?

Inversement, un vocabulaire variĂ© et maĂźtrisé donne de grandes facilitĂ©s Ă  l’enfant. S’il comprend sa leçon, il l’apprendra plus vite et plus durablement. Si ce qu’il lit a un sens, il accĂ©dera plus vite au plaisir de la lecture.

Que se passe-t-il Ă  l’école ?

L’apprentissage du vocabulaire est inscrit dans les programmes et les enseignants utilisent divers exercices, activitĂ©s et leçons pour permettre son acquisition. L’enfant commence Ă  analyser le langage qu’il employait jusqu’alors sans rĂ©flĂ©chir.

À travers les notions de synonymes et d’homonymes, de sens propre et figurĂ©, de mots simples et dĂ©rivĂ©s, il entre dans le mystĂšre des mots et dans les variations du langage. En abordant la grammaire, il dĂ©couvre la nature et la fonction des mots qui articulent les phrases. En se frottant Ă  la conjugaison, il s’initie aux temps du rĂ©cit. L’Ă©cole pose des bases que l’enfant doit s’approprier pour bĂątir son propre langage.

Et à la maison ?

La famille joue un grand rĂŽle dans l’acquisition du vocabulaire. Le bĂ©bĂ© apprend ses premiers mots sur les lĂšvres de ses parents, et il n’est d’ailleurs pas bĂ©nĂ©fique de “parler bĂ©bĂ©â€ aux tout-petits. S’il peut comprendre “Veux-tu du lolo ou ta tututte ?”, il peut aussi accĂ©der Ă  “Veux-tu du lait ou ta tĂ©tine ?”


Un petit travers d’adulte qui se reproduit plus tard, quand les parents hĂ©sitent Ă  utiliser des mots qu’ils jugent trop compliquĂ©s pour leurs enfants. Or ces derniers comprennent vite et bien, pour peu qu’on leur explique – sans tomber dans le cours magistral, qui les ennuie
 magistralement !

Le 30 juin 2012 Anne-Laure Fournier le Ray,
Vos questions de parents
Comment aider mon enfant Ă  trouver son calme ? Illustration : Pascal LemaĂźtre

Comment aider mon enfant Ă  trouver son calme ?

Votre enfant ne tient pas en place, court, saute, s’énerve
 Cette perpĂ©tuelle agitation n’est pas une fatalitĂ©. Dans la lignĂ©e de la rubrique « Petit Yoga », Pomme d’Api vous donne des conseils pour aider votre tout-petit Ă  trouver le calme.

Comment aider mon enfant Ă  trouver son calme ?Les mots qui calment

Ma voisine FanĂ©lie est mĂšre de 4 enfants ĂągĂ©s de 2, 4, 7 et 9 ans. Quand l’un d’entre eux est irritable, ne tient pas en place et papillonne, elle y voit le plus souvent “un manque de sĂ©curitĂ© intĂ©rieure, une difficultĂ© Ă  trouver sa place parmi nous six”.

Dans ces cas-lĂ , elle tĂąche de lui consacrer un temps d’attention exclusive : faire ensemble un gĂąteau, un jeu
 et chercher Ă  mettre des mots sur ce qu’il ressent : “Tu trouves peut-ĂȘtre que je ne passe pas beaucoup de temps avec toi ?” etc.

En gĂ©nĂ©ral, relate-t-elle, “je sens quand je touche le point sensible. Et les enfants savent trĂšs bien dire si l’on fait fausse route dans nos interprĂ©tations ! Quand je ne vois pas ce qui cloche et quand mon enfant ne sait pas me le dire, je passe beaucoup par le toucher : porter, cĂąliner, faire un petit massage, comme pour l’ancrer dans le sol et lui dire : nous sommes lĂ , tu peux compter sur nous.”

Les larmes qui calment

Depuis la sortie de l’Ă©cole, rien ne va pour Solange, ma fille de 5 ans : les lacets sont mal nouĂ©s, le goĂ»ter n’est pas bon, le passage piĂ©ton est trop loin. Donner la main ? Non ! Marcher toute seule ? Non ! Fermer son manteau ? Non !

L’Ă©nervement est contagieux : peu Ă  peu, il gagne sa sƓur, les copines et
 la maman ! Comme si tout le monde s’attendait Ă  ce que l’orage Ă©clate. Ça ne manque pas. À peine la porte de la maison franchie, elle se laisse tomber par terre et se met Ă  pleurer en donnant des coups de pied.

Anne Bideault, supplĂ©ment Parents du magazine Pomme d’Api, mars 2013. Illustrations : Pascal LemaĂźtre.