Vos enfants nâarrĂȘtent pas de se disputer⊠Que faire face Ă ces conflits qui pĂšsent sur lâambiance familiale ? Les conseils de Pomme dâApi.
Quand intervenir dans les disputes entre frĂšre et sĆur ?
Jâavoue, jâai du mal avec les disputes. Quand le volume sonore augmente, quand la tension monte, que les dents et les poings se serrent, jâai du mal Ă ne pas intervenir. Avant mĂȘme que les gestes ne se fassent brutaux, je mâentends dire : âTsss tsss, si vous nâarrivez pas Ă vous entendre, changez dâoccupation !â ou âEh ! Oh ! SĂ©parez-vous : toi, sur le canapĂ©, et toi, au bureau !â
Ma petite voix intĂ©rieure (celle, bien connue, du parent qui culpabilise) me sermonne alors : âAttends de voir, si ça se trouve, ils vont trouver une solution tout seuls⊠Ne serais-tu pas en train de brider leur expression ? Il ne faudrait pas quâils cessent de sâautoriser Ă exprimer leurs rancĆurs juste pour te faire plaisirâŠâ
Les psychologues vont dâailleurs dans ce sens. Une dispute, câest sain ! DĂ©jĂ , parce que sâil y a dispute, il nây a pas indiffĂ©rence : cela prouve lâexistence dâun lien, dâun attachement, dâune relation. Et deuxiĂšmement, ces accrochages sont âune initiation Ă toutes les relations sociales pour toute la vieâ, comme le rĂ©sume le psychologue Daniel Coum, dans son livre Du bon usage des conflits (Milan, 2009).
Bon, donc je ne coupe pas court Ă la dispute avant mĂȘme quâelle ait vraiment commencé⊠En revanche, si la situation se bloque sans quâaucune Ă©chappatoire ne se dessine, je mâinvite dans la conversation. A fortiori quand elle dĂ©gĂ©nĂšre vers la violence !
Comment ne pas attiser les rivalitĂ©s entre frĂšres et sĆurs ?

Parfois, je le confesse, je hurle : âCâest pas bientĂŽt fini !â Lâeffet de sidĂ©ration est immĂ©diat et le silence se fait. Ăa soulage, mais⊠le conflit nâest pas rĂ©glĂ©. Chaque belligĂ©rant en ressort insatisfait (il nâa pas Ă©tĂ© Ă©coutĂ©, il a Ă©tĂ© obligĂ© de cĂ©der).
Il mâarrive aussi de demander bĂȘtement : âQui a commencé ?â, ouvrant les vannes dâun long Ă©change de âCâest pas moi, câest elle, câest lui !â AcculĂ©e Ă prendre parti pour lâun contre lâautre, je sens bien que je ne fais quâattiser la rivalitĂ© initiale.
Ce piĂšge-lĂ , les enfants savent dâailleurs trĂšs bien sây prendre pour nous y faire tomber : âMamanâŠ, AmĂ©lie mâa pris le livre que jâavais choisiiiiiiâ, ou : âPapa, Hector mâa poussĂ© du canapéééé !â Quel regard victorieux est alors lancĂ© Ă lâadversaire quand lâadulte intervient dans le sens attendu : âHector, tu tâexcusesâ ; âAmĂ©lie, tu lui rends son livre.â Le perdant Ă©prouve alors un fort sentiment dâinjustice et de jalousie.
Oui, nos façons de rĂ©agir peuvent aussi nourrir les querelles. Pourtant, il est parfois urgent dâintervenir. Comment sây prendre ?
Rester neutreâŠ
âDĂ©jĂ , explique Nathalie, qui a trois enfants ĂągĂ©s de 5 Ă 9 ans, les rĂšgles de la maison ont Ă©tĂ© discutĂ©es et sont connues de tous. Cela dĂ©samorce les conflits de territoire. Ainsi, chaque enfant est le chef dans sa propre chambre. Autre exemple : si on veut utiliser un jouet, il faut obtenir lâaccord du propriĂ©taire, le lui rendre en bon Ă©tat et dans un dĂ©lai raisonnable.â
Mais quand les chamailleries Ă©clatent malgrĂ© tout, et âquâils se tirent les cheveux, se castagnent, je suis bien obligĂ©e dâintervenirâ, sourit Pascaline en parlant de ses deux derniers, de 5 et 6 ans, âde vrais petits chiensâ. Rompue aux disputes, avec quatre enfants en moins de six ans, elle se fixe pour ligne de conduite de rester neutre : âJe les sĂ©pare quand ils deviennent violents, mais je refuse de prendre parti. Câest Ă eux de trouver une solution.â
⊠et prendre les disputes des enfants au sérieux
Une attitude prĂŽnĂ©e par Adele Faber et Elaine Mazlish, deux mamans amĂ©ricaines dont lâouvrage sur les conflits entre enfants est une rĂ©fĂ©rence (voir en fin dâarticle). Elles recommandent aux parents de prendre les disputes de leurs enfants au sĂ©rieux, sans les minimiser par des termes comme âenfantillagesâ, âgamineriesâ, âbroutillesâ⊠Ainsi, il peut parfois suffire dâĂ©couter attentivement le point de vue de chaque adversaire, sans porter de jugement ni interrompre, pour que la situation sâapaise. Cela leur montre dĂ©jĂ que lâon peut dire les choses avec des mots, sans injures ni recours Ă la violence physique.
Mais quand les Ă©motions dĂ©bordent tellement que la parole est difficile, on peut user de moyens dâexpression dĂ©tournĂ©s. Il mâest arrivĂ© de dire : âJe ne peux pas te laisser frapper ta sĆur. Si tu as besoin de taper, tape sur les coussins du canapĂ©.â Les plumes ont volĂ© pendant un bon quart dâheure, mais lâexutoire Ă©tait salutaire et a ouvert la discussion.

Autre technique, faire dessiner : âTon petit frĂšre a dĂ©coupĂ© ta poupĂ©e. Dessine-moi ta colĂšre.â Quel quâen soit le mode, prendre acte des sentiments Ă©prouvĂ©s par chacun est bĂ©nĂ©fique : âAh, je vois que tu es en colĂšre, tu es triste, tu ne te sens pas respectĂ© parce queâŠâ Par exemple, un enfant irritĂ© par la prĂ©sence du nouveau-nĂ© de la famille qui accapare inĂ©vitablement ses parents, sera soulagĂ© dâentendre : âTu as le droit dâĂȘtre Ă©nervĂ© par lui et dâavoir envie quâil ne soit pas lĂ , je comprends.â Cela le dĂ©culpabilise.
Enfin, une fois que chacun a exprimĂ© son point de vue, comment conclure ? Alors que je travaillais Ă cet article, jâai testĂ© Ă la lettre la mĂ©thode Faber et Mazlish. En prĂ©sence des deux adversaires, jâai donc dit : âAh oui, je vois, câest un problĂšme. Vous voulez jouer ensemble mais pas Ă la mĂȘme chose. Comment faire ? Jâai confiance, je suis sĂ»re que vous ĂȘtes capables de trouver une solution qui vous convienne Ă toutes les deux.â Et jâai quittĂ© la piĂšce, comme câest conseillĂ© dans le livre. Moins dâune minute aprĂšs, une solution avait Ă©tĂ© trouvĂ©e : on joue dâabord Ă un jeu, puis on change. Ăvident ? Pour nous, oui. Pour mes filles, le fruit dâune concertation.
Les disputes : un chemin rocailleux vers la fraternité
La dispute passĂ©e, il nâen reste pas moins quâun climat de tension nâest pas agrĂ©able et met les nerfs Ă vif. âQuand ils se disputent, avoue Sylvie, je ne peux pas mâempĂȘcher dây voir un prĂ©sage de leur relation Ă lâĂąge adulte et ça mâangoisse !â
Cette mĂšre de quatre enfants se rassurera en entendant Daniel Coum conclure : âLa fraternitĂ© ne peut naĂźtre que si les conflits ont pu suffisamment sâexprimer pour que sâapprenne peu Ă peu lâart dâĂȘtre ensemble.â
Les disputes ont cela de positif quâelles initient Ă lâacceptation des diffĂ©rences, au partage, Ă la nĂ©gociation, Ă lâĂ©change, surtout si les parents y incitent leurs enfants. Autant de compĂ©tences sociales utiles Ă lâĂąge adulte, non ?
Ă lireâŠ
Jalousies et rivalitĂ©s entre frĂšres et sĆurs â Comment venir Ă bout des conflits entre vos enfants, dâAdele Faber et Elaine Mazlish, Stock.
Avec un pragmatisme trĂšs amĂ©ricain, les deux auteurs dĂ©cryptent les attitudes parentales face aux disputes de leurs enfants et donnent de multiples pistes pour ne pas les attiser, pour aider les enfants Ă rĂ©soudre leurs diffĂ©rends. TrĂšs efficace pour amĂ©liorer lâambiance familiale.
Anne Bideault â Illustrations Peter Elliot â SupplĂ©ment Parents Pomme dâApi â Juin 2014