Pour la nouvelle annĂ©e, la rĂ©daction de Pomme dâApi a choisi de donner la parole Ă des parents en leur demandant de tĂ©moigner de tout ce quâils dĂ©couvraient du monde et dâeux-mĂȘmes grĂące Ă leur(s) enfant(s). Peut-ĂȘtre vous donneront-ils aussi envie de rĂ©flĂ©chir Ă toutes les belles choses que vous transmettent vos tout-petits ?
Que nous apprennent nos enfants ? La parole aux parentsâŠ
On se prĂ©occupe tant de savoir ce que les adultes doivent transmettre aux enfants, leur apporter, leur enseigner, que lâon oublie souvent de souligner combien ils nous enrichissent, eux, dĂšs leur premier instant de vie. Oui, un petit apprend beaucoup Ă un adulte ! Les parents qui tĂ©moignent ici nous ont confiĂ© â non sans fierté â ce que leurs enfants leur ont appris.
âĂ faire des bracelets en Ă©lastiques !â Sylvie, 39 ans, deux garçons de 3 et 8 ans, une fille de 4 ans.
âĂ faire plusieurs choses en mĂȘme temps⊠correctement !â Nathalie, trois enfants de 5 à 10 ans.
âDes choses sur le systĂšme solaire ! GrĂące Ă mon fils aĂźnĂ©, jâapprends des choses que je nâai jamais sues ou que jâai oubliĂ©es. Je vais bientĂŽt arriver aux limites de mes connaissances en sciences si ça continue !â Myriam, 35 ans, trois enfants de 2 à 7 ans.
âĂ vivre sans sommeil.â Thierry, 39 ans, deux filles de 5 et 7 ans.
âĂ rire ! Ils rient tellement plus que nous quâon a lâimpression dâĂȘtre de vrais rabat-joie !â Myriam.
âĂ jouer ! Jâai eu une enfance assez sĂ©rieuse, et je nâai pas le souvenir dâavoir jouĂ© pendant des heures comme le font mes enfants. Ce sont eux qui mâont appris le plaisir de jouer. Je mây laisse aller sans complexes, je peux jouer des mercredis entiers aux Mille Bornes !â Myriam.
âĂ ĂȘtre flexible. Ce qui est vrai pour lâaĂźnĂ© ne lâest pas pour la seconde. Ce qui Ă©tait vrai il y a six mois ne lâest plus aujourdâhui. Avoir des enfants, câest se remettre sans cesse en question. Câest trĂšs positif, ça nous maintient en grande forme, mĂȘme si câest trĂšs fatigant. On ne peut pas faire le vieux chnoque rigide, qui dit que câest comme ça et pas autrement !â Sylvie.
âĂ profiter du prĂ©sent, sans ĂȘtre toujours dans lâavenir ou le passĂ©. Les enfants sont Ă lâĂ©coute de leurs envies du moment, et du plaisir quâils y prennent. Et nous, on essaie de les en extirper, en leur disant quâil faut se prĂ©parer pour telle et telle chose. Pourtant, ĂȘtre ancrĂ© dans le prĂ©sent, câest tellement prĂ©cieux ! Câest ce qu’on lit partout, quâon apprend en mĂ©ditation⊠Jâessaie donc de mâinspirer dâeux, mais ce nâest pas simple pour moi qui envisage la vie comme une succession de tĂąches.â Myriam.
âĂ me poser. Avant dâavoir des enfants, jâĂ©tais toujours dans lâaction, se poser nâĂ©tait pas dans mon concept de vie, sauf si câĂ©tait âmĂ©ritĂ©â, aprĂšs un gros effort sportif, par exemple. Maintenant, je peux passer du temps Ă les observer jouer sans avoir le sentiment de vivre moins.â Sylvie.
âĂ prendre le temps ! Avec un enfant, tu nâes plus maĂźtre de ton temps. Câest lui qui fixe quand les choses sont possibles, et quelle place donner Ă ta propre vie et Ă ta vie professionnelle. Au dĂ©but, cette concession nâest pas facile, mais elle oblige Ă revenir Ă lâessentiel : quâest-ce quâil est important de vivre et de transmettre, quâest-ce qui est important dans la vie ?â StĂ©phane, 40 ans, une fille de 10 mois.
âĂ prendre soin de soi ! Jâai eu mon premier enfant tard. Je me dis quâil faut que je sois lĂ pour elle le plus longtemps possible. Jâai donc changĂ© mon rapport Ă la santĂ©, Ă mon rythme de vie, Ă mon alimentation.â StĂ©phane.
âĂ ralentir. Nous, adultes, avons tendance Ă partir 5 min avant lâheure, puisque lâĂ©cole est Ă 5 minutes ! Et pourtant, quel plaisir de prendre 20 minutes pour sây rendre,
en regardant chaque caillou, chaque fourmi ! Eugénie, 33 ans, deux garçons de 4 et 18 mois.
âĂ se pencher sur les escargots.â Thierry.
âĂ anticiper, Ă sâorganiser. Câest sĂ»r, c’est moins poĂ©tique !â EugĂ©nie.
âĂ ĂȘtre plus fĂ©minine. Ma fille de 4 ans est trĂšs coquette, ce qui nâĂ©tait pas mon cas, ni celui de ma mĂšre. Elle mâa mise sur les rails, et peu Ă peu je dĂ©couvre ma fĂ©minitĂ©. DĂšs que je fais un effort vestimentaire, elle me complimente ! Je nâai pas envie quâelle ait honte de sa mĂšre !â Sylvie.
âLâhumilitĂ©. Avant dâavoir des enfants, jâavais des principes, une image de la parentalitĂ© et de lâenfant idĂ©al. Au quotidien, on se remet en question tous les jours ! Ce qui me paraissait Ă©vident sâavĂšre ne pas lâĂȘtre pour mes enfants. Par exemple, jâessayais dâexpliquer verbalement certaines choses, jusquâĂ ce que je me rende compte que mon fils Ă©tait trĂšs visuel. Jâutilise le dessin, maintenant !â EugĂ©nie.
âĂ apprivoiser lâeau. Lâeau nâest pas mon Ă©lĂ©ment, je nâai jamais aimĂ© lâeau, je nâaime pas me baigner, nager. GrĂące Ă eux, je la dĂ©couvre, et câest un plaisir partagĂ©.â Sylvie.
âĂ accepter et apprĂ©cier que le temps disponible fasse le tri dans les projets : nous ne faisons quâun quart de ceux que nous avons en tĂȘte. Et alors ? Les choses que lâon nâa pas pris le temps de faire ne sont pas si importantes que ça.
Les enfants nous poussent Ă lâessentiel. Un exemple ? Il y a toujours autre chose Ă faire plutĂŽt que de jouer aux Playmobil. Mais si on opte toujours pour le sage ou le raisonnable, on ne jouera jamais aux Playmobil avec son enfant ! RĂ©pondre âon verraâ ou âdans 5 minutesâ, soyons honnĂȘtes, ça veut dire âjamaisâ. Je devrais dâailleurs mâen souvenir dans mon boulot ! FrĂ©dĂ©ric, 39 ans, trois enfants de 4, 8 et 11 ans.
Témoignez vous aussi de votre expérience de parent

Quâapprennent les enfants Ă leurs parents ? Interview dâune psychanalysteâŠ
Catherine Bergeret-Amselek est psychanalyste. Elle sâest en particulier penchĂ©e sur les grandes Ă©tapes de la vie, et reçoit beaucoup de parents, de toutes gĂ©nĂ©rations, dans son cabinet. Nous lui avons posĂ© la mĂȘme question quâaux parents âPomme dâApiâ : quâapprennent les enfants Ă leurs parents ?
âUn jeune parent part en gĂ©nĂ©ral avec de grandes thĂ©ories en tĂȘte. Tout en lui prouvant quâil a beaucoup de ressources en lui, lâenfant va lâobliger Ă Â sâadapter Ă la rĂ©alitĂ©, y compris Ă renoncer Ă ĂȘtre parfait : ĂȘtre parent, câest une tĂąche impossible !
Lâenfant nous pousse au bout de nos limites, nous fait dĂ©couvrir notre douceur, notre patience, notre gĂ©nĂ©rositĂ©, tout autant que notre impatience, notre colĂšre, notre lassitude, notre Ă©goĂŻsme.
Un enfant remet les prioritĂ©s vitales par ordre dâimportance. Il pousse en particulier les adultes Ă ĂȘtre prĂ©sents Ă eux-mĂȘmes et aux autres, ce qui nous manque cruellement aujourdâhui : nous sommes toujours dans lâavoir, dans la reprĂ©sentation. Aux cĂŽtĂ©s dâun enfant,lâadulte va se rendre compte que la vie, câest manger, boire, jouer, dormirâŠ
Un enfant nous amĂšne aussi Ă recontacter lâenfant en nous et restaure notre capacitĂ© Ă jouer. Or, lâespace psychique du jeu, câest celui dâoĂč partent la rĂȘverie, la crĂ©ativitĂ©, la vie spirituelle.Cela fait grandir lâadulte, le repositionne sur le sens de la vie.
Dâailleurs, les enfants sont spontanĂ©s, sans tabou, alors que leurs parents en ont pleins. Ils vont droit au but en posant des questions existentielles. Câest trĂšs Ă©mouvant et trĂšs fatigant Ă la fois. Câest pour cela quâil faut sâaccorder des temps de pause pour avoir Ă nouveau lâĂ©nergie de revenir vers lâenfant.â
Catherine Bergeret-Amselek organise en octobre prochain un colloque sur les Ăąges de la vie.
SupplĂ©ment au n°587 de Pomme d’Api, janvier 2015. âToutes ces belles choses que nous rĂ©-apprennent nos enfantsâ, propos recueillis par Anne Bideault, illustrations : Pierre Fouillet.