“À l'Ă©cole de la nature”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d'Api n°638, avril 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : ChloĂ© Perarnau.

À l’école de la nature

À l’École de la ForĂȘt de Chantemerle (Charente), les enfants passent leurs journĂ©es dehors Ă  escalader, bricoler ou “travailler” en forĂȘt. PoussĂ©e par la curiositĂ©, la journaliste de Pomme d’Api a passĂ© une journĂ©e dans cette maternelle unique en France.

“Moi, je connais tout ! Je vais te montrer le chemin oĂč il y a des noix, le potager, la prairie, la forĂȘt !” NathaĂ«l est tout excitĂ© : aujourd’hui, une journaliste vient visiter son Ă©cole. Quel Ă©vĂ©nement ! Il y a fort Ă  parier que je ne serai pas la derniĂšre, car l’école de NathaĂ«l est unique en son genre en France. C’est une maternelle en forĂȘt, dont les Ă©lĂšves passent la journĂ©e entiĂšre
 dehors, par tous les temps. “Quoi ? Toute la journĂ©e dehors ?” C’est prĂ©cisĂ©ment l’étonnement opposĂ© – â€œQuoi ? Toute la journĂ©e dedans ?” â€“ qui a suscitĂ© la crĂ©ation de cette structure. Suivant l’exemple des pays du nord de l’Europe, oĂč les jardins d’enfants et les Ă©coles maternelles en forĂȘt sont rĂ©pandus (l’Allemagne en compte plus de 2000), de plus en plus d’éducateurs sont convaincus que la nature est l’outil pĂ©dagogique le plus adaptĂ© au jeune enfant. Y ĂȘtre immergĂ© quotidiennement, quel que soit le temps, et y ĂȘtre libre de ses activitĂ©s, permettrait l’acquisition d’une multitude de compĂ©tences (agilitĂ©, crĂ©ativitĂ©, entraide, confiance en soi
) et rendrait les enfants d’emblĂ©e sensibles Ă  la question environnementale

Un modĂšle unique en France

En France, les projets sont nombreux, mais seule l’École de la ForĂȘt de Chantemerle, situĂ©e Ă  une quinzaine de kilomĂštres d’AngoulĂȘme, sur la commune de Marsac, a ouvert ses portes. Portes
 façon de parler, car si l’établissement dispose bien d’un local pour le rassemblement du matin et la sieste des petits, les enfants Ă©voluent essentiellement au grand air, dans un vaste domaine de 30 hectares.

“À l'Ă©cole de la nature”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d'Api n°638, avril 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : ChloĂ© Perarnau.

Ce matin-lĂ , le ciel charentais est bleu, mais les sous-bois sont bien humides. La petite troupe s’équipe : chaussures de marche ou bottes, sursalopettes en plastique, sacs Ă  dos. Les enfants sont ĂągĂ©s de 2 ans Ă  5 ans et demi, et – exception faite d’un lacet Ă  nouer par-ci par-lĂ  â€“ tous sont bien autonomes et partent vaillamment avec leur repas sur le dos. La mascotte de l’école, une jeune chienne sautillante, leur tourne autour. Nancy et Sophie, les deux “maĂźtresses”, aspergent d’anti-tiques les bas des jambes et les cheveux. La premiĂšre est Ă©ducatrice de jeunes enfants, et la seconde, psychologue. ÉpaulĂ©es par un groupe de parents engagĂ©s dans le projet, elles sont parvenues Ă  faire tomber les barriĂšres administratives pour ouvrir cette maternelle alternative.
Nous partons enfin pour la forĂȘt. TrĂšs vite, les bĂątons ramassĂ©s sur le sentier se transforment en pelles, en Ă©pĂ©es, en chevaux
, au grĂ© des imaginations. “Les premiĂšres semaines, les enfants s’éparpillaient en tous sens et nous passions nos journĂ©es Ă  les compter”, se souvient Nancy. Depuis, les consignes de sĂ©curitĂ© sont bien intĂ©grĂ©es (on ne perd jamais le groupe de vue), et la crainte de perdre l’un d’entre eux a disparu. 

“À l'Ă©cole de la nature”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d'Api n°638, avril 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : ChloĂ© Perarnau.

Une liberté encadrée

“Mais ce n’est pas parce qu’on est dehors que c’est une grande rĂ©crĂ© !” souligne Sophie. ActivitĂ©s libres et activitĂ©s encadrĂ©es alternent. Nous grimpons dans la forĂȘt jusqu’à un endroit oĂč sont disposĂ©es deux tables de bois taille enfant, une cahute qui abrite des toilettes sĂšches, un petit Ă©vier alimentĂ© par un jerricane pour se laver les mains. Une grande bĂąche est tendue entre les arbres, en cas de pluie. C’est une des “salles de classe” amĂ©nagĂ©es dans le domaine. Elle sert aussi de “rĂ©fectoire” : c’est lĂ  que chacun dĂ©jeune de son repas tirĂ© du sac. Conscientes que les enfants devront un jour s’adapter au systĂšme scolaire normal, les deux encadrantes s’efforcent aussi de suivre le programme officiel de la maternelle. Selon l’ñge de chacun, elles ont prĂ©parĂ© des fiches tout Ă  fait classiques : jours de la semaine pour les uns, lignes verticales pour les autres
 Les enfants sont ravis de sortir leurs trousses, et s’appliquent.

“À l'Ă©cole de la nature”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d'Api n°638, avril 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : ChloĂ© Perarnau.

Mais quand on les questionne sur leur Ă©cole, ils racontent surtout ce qui fait sa spĂ©cificitĂ© : “On a nourri les arbres avec du crottin pour avoir des fruits. Le crottin, c’est du caca de cheval”, m’explique Éloys. “On a jouĂ© Ă  la marchande”, raconte Romane. “J’aime chercher les Ɠufs des poules”, confie Louna. “Au dĂ©but, se souvient Sophie, certains enfants Ă©taient craintifs avec les animaux et d’autres trop hardis.” Sophie et Nancy ont travaillĂ© avec eux sur les Ă©motions pour les aider Ă  mieux exprimer leurs apprĂ©hensions, leurs besoins
 Depuis la rentrĂ©e, elles les trouvent plus endurants, plus dĂ©brouillards, plus attentifs aux autres et Ă  ce qui les entoure. Le jour du reportage, les plus grands n’auront passĂ© que 45 minutes Ă  l’intĂ©rieur. Les plus jeunes n’ont pas rechignĂ© Ă  s’allonger pour la sieste dans la salle, obscurcie par des rideaux. AprĂšs une demi-journĂ©e au grand air, j’aurais bien fait comme eux !

L’École de la ForĂȘt de Chantemerle est une Ă©cole privĂ©e hors contrat, sous statut associatif (Chemin de Chantemerle, 16570 Marsac).

La nature en pages : 2 albums et 2 guides

Petits riens, grande nature, GĂ©raldine Collet, KerascoĂ«t, Albin Michel Jeunesse, 11,90 â‚Ź.
Petit escargot, grand ami ; gros pissenlit, petite magie
 Une trĂšs jolie Ă©vocation du regard de l’enfance sur les merveilles de la nature.

Parler avec les arbres, Sara Donati, Le Rouergue, 15,90 â‚Ź.
“J’ai d’abord pensĂ© qu’il fallait le saluer, alors j’ai dit : “Salut !” Entre le narrateur et l’arbre, une relation se tisse. Un album original, qui nous fera dĂ©sormais regarder les arbres comme des personnes.

Cherchez la petite bĂȘte, Alain Boudet, Solenn Larnicol, Rue du Monde, 16 â‚Ź.
Tout savoir sur 40 petites bĂȘtes que l’on rencontre sur nos chemins. Taille, habitat, particularitĂ©s et
 un poĂšme ! De magnifiques aquarelles pour ce guide naturaliste poĂ©tique.

Mon cahier des 4 saisons, François Lasserre, Isabelle Simler, Nathan, collection Colibris, 11,90 â‚Ź.
ClassĂ©s par saison, les oiseaux, les insectes, les mammifĂšres et les plantes que l’on peut facilement observer dans la nature. En bonus : 80 petites cartes Ă  dĂ©tacher et Ă  emporter sur le terrain.

“À l'Ă©cole de la nature”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d'Api n°638, avril 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : ChloĂ© Perarnau.

Petites activités au grand air

Emmenons nos enfants dans la nature et laissons-les ramasser, cueillir, arracher, montrer, toucher, grimper
 en nous retenant de leur dire Ă  tout bout de champ : “Attention, tu vas te faire mal !” ou “Touche pas, c’est sale !” Voici quelques idĂ©es Ă  piocher pour transformer vos balades au grand air en Ă©popĂ©es extraordinaires.

Petits conseils Pour ouvrir les yeux de vos enfants (et les vĂŽtres !)

‱Partez avec une loupe, le nez au sol. Elle pourra raviver l’intĂ©rĂȘt de votre progĂ©niture, si celui-ci faiblit. GrĂące Ă  elle, une plaque de mousse, un vieux tronc d’arbre, une flaque d’eau
 rĂ©vĂ©leront les secrets d’une vie invisible Ă  l’Ɠil nu.
‱Maintenant, levez la tĂȘte, et repĂ©rez les arbres “amoureux” : ceux qui s’entrelacent, s’enroulent, s’éloignent puis se rejoignent, ne font qu’un. Ils sont plus nombreux qu’on le croit !
‱L’escargot plaĂźt aux petits. Attirez leur attention sur les spirales qui se dessinent sur les coquilles : elles sont toutes diffĂ©rentes ! Parfois, la coquille prĂ©sente une boursouflure, une rugositĂ© particuliĂšre : c’est une cicatrice. L’escargot est capable de faire lui-mĂȘme de petites rĂ©parations sur sa coquille !

“À l'Ă©cole de la nature”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d'Api n°638, avril 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : ChloĂ© Perarnau.

Explorer la forĂȘt avec tous ses sens

Le foulard est un bon accessoire. Bandez les yeux de votre enfant et portez son attention sur les odeurs. Faites-lui sentir diffĂ©rentes choses : une motte de terre, une poignĂ©e de feuilles dĂ©composĂ©es, une Ă©corce
 et faites-le deviner de quoi il s’agit.

“À l'Ă©cole de la nature”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d'Api n°638, avril 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : ChloĂ© Perarnau.

Yeux bandĂ©s toujours, sollicitez le toucher en faisant caresser diffĂ©rents troncs d’arbre Ă  votre enfant. Certains sont trĂšs lisses, d’autres ont une grosse Ă©corce en relief, etc. À lui de retrouver ensuite chaque arbre, les yeux ouverts !

Focalisez-vous ensemble sur les bruits. L’oiseau, le vent, les pas
 Au bout d’une minute, proposez-lui de se boucher les oreilles avec ses mains. Le silence
 On “voit” ainsi moins bien la nature autour de soi. Rien de tel pour prendre conscience de l’importance de l’ouĂŻe dans la perception de notre environnement !

DĂ©couvrir La vie secrĂšte de la forĂȘt

“À l'Ă©cole de la nature”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d'Api n°638, avril 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : ChloĂ© Perarnau.

Ce n’est pas un hasard si la forĂȘt est le dĂ©cor de tant de contes merveilleux : elle est propice Ă  l’imaginaire ! Ensemble, regardez autour de vous. Si vous Ă©tiez un petit lutin, quel recoin auriez-vous choisi pour maison ? Et si vous l’amĂ©nagiez, Ă  mi-chemin entre cabane miniature et land art ? Des petites branches, de la mousse, des fleurs, des feuilles
, jamais le lutin n’aura eu un si beau refuge !

Vous retrouverez ces idĂ©es et bien d’autres dans le livre Tous dehors ! en forĂȘt de Patrick Luneau, Salamandre, 2018, 19 â‚Ź.

“À l’Ă©cole de la nature”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d’Api n°638, avril 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : ChloĂ© Perarnau.
Couverture du magazine Pomme d'Api n°638, avril 2019, et son supplément pour les parents.

 

Le gĂąteau de SamSam

Le gĂąteau de SamSam

Le SamGùteau pour tous les petits héros qui sont aussi des petits gourmands. Une recette simple à réaliser avec votre enfant. Téléchargez les éléments pour décorer votre gùteau.

Le gĂąteau de SamSamLe SamGĂąteau est un dĂ©licieux gĂąteau Ă  la pomme paru dans le magazine Pomme d’Api. DĂ©couvrez la recette, trĂšs simple Ă  rĂ©aliser avec votre enfant et tellement amusant avec son dĂ©cor SamSam. Refaites-le Ă  volontĂ© en tĂ©lĂ©chargeant ci-dessous les Ă©lĂ©ments du dĂ©cor :

Bon appétit !
Le gĂąteau de SamSam

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DĂ©couvrir d’autres recettes de Pomme d’Api

“Comment fait-on les bĂ©bĂ©s et autres questions gĂȘnantes”, Pomme d'Api n°637, mars 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Jean-Louis Cornalba.

SexualitĂ© : comment rĂ©pondre aux questions des enfants ?

À l’ñge de la maternelle, les questions, les “gros mots”, les gestes ou les regards, certains jeux
 traduisent la curiositĂ© sexuelle des enfants. À laquelle il est nĂ©cessaire que les adultes rĂ©pondent, sans en faire trop, ni pas assez. Les conseils du magazine Pomme d’Api


(suite
)

“Lire avec son enfant, pourquoi c'est important”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d'Api n°647, janvier 2020. Texte : JosĂ©phine Lebard. Illustrations : Sophie Bouxom.

Lire avec son enfant, pourquoi c’est important ?

Aucun doute : lire des histoires Ă  son enfant, c’est indispensable pour son dĂ©veloppement ! Mais savez-vous ce que crĂ©e cette lecture partagĂ©e ? Pomme d’Api vous propose de dĂ©couvrir les bienfaits de ce moment complice et ĂŽ combien prĂ©cieux de la relation parent-enfant.

Se rapprocher autour d’une histoire

Leurs petites tĂȘtes reposent chacune sur une Ă©paule de leur papa. La gauche pour Antonin (4 ans), la droite pour Jules (3 ans). Chaque soir, installĂ©s sur le lit parental, ils viennent se pelotonner contre leur pĂšre – dont le tĂ©lĂ©phone portable est restĂ© dans le salon â€“ pour profiter de l’histoire du soir.

Formatrice en littĂ©rature jeunesse, auteure de Ces livres qui nous font grandir (Didier Jeunesse), JoĂ«lle Turin est formelle : “Rien ne rapproche autant un parent de son enfant que la lecture d’une histoire.” Le temps du livre, c’est un “cercle magique”, affirme-t-elle, qui englobe enfant et parent.

“Lire avec son enfant, pourquoi c'est important”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d'Api n°647, janvier 2020. Texte : JosĂ©phine Lebard. Illustrations : Sophie Bouxom.

Psychologue, psychanalyste et formatrice ACCES (Actions Culturelles contre les Exclusions et les SĂ©grĂ©gations), Nathalie Virnot confirme : “La lecture constitue un temps suspendu, une parenthĂšse dans laquelle on fait une place toute particuliĂšre Ă  l’enfant. C’est un temps oĂč on reconnaĂźt ses choix : il choisit l’histoire, dĂ©cide de revenir en arriĂšre, de s’arrĂȘter sur une image
” Mots, expressions, mouvements : via la lecture, le parent saisit de nouvelles facettes de son petit. Il en est de mĂȘme pour l’enfant qui dĂ©couvre son parent-lecteur “animĂ© par de nouvelles Ă©motions, de nouveaux sentiments”, analyse Nathalie Virnot.

Lire ensemble, c’est aussi se crĂ©er une culture familiale commune et vivre des expĂ©riences qui, selon les mots du psychanalyste Evelio Cabrejo Parra, « resteront gravĂ©es jusqu’à la fin de ses jours dans son “livre psychique” Â».

“Lire avec son enfant, pourquoi c'est important”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d'Api n°647, janvier 2020. Texte : JosĂ©phine Lebard. Illustrations : Sophie Bouxom.

S’identifier, se projeter dans des personnages attachants

Camille (3 ans) adore les histoires de Lionel le lion. Marceau (5 ans), son grand frĂšre, raffole des histoires de Petit Poilu. “Pour un enfant, par rapport aux personnages, il y a deux modes d’approche, rĂ©sume JoĂ«lle Turin : l’identification (l’enfant va aller vers celui qui lui ressemble) et la projection (l’enfant va aller vers celui qu’il voudrait ĂȘtre).”

Mais comment expliquer l’attrait des petits pour des personnages d’animaux ? JoĂ«lle Turin rappelle que, dans la vie, spontanĂ©ment, l’enfant a tendance Ă  aller vers les bĂȘtes. Elle nous invite Ă  regarder le personnage de Babar : “Il se dĂ©place un peu comme un bĂ©bĂ© avec ses couches. D’ailleurs, la plupart des personnages animaux sont des bĂ©bĂ©s. Il existe donc une proximitĂ© morphologique, mais aussi une proximitĂ© dans la dĂ©couverte du monde.” Le recours Ă  l’animal permet Ă©galement Ă  l’enfant de s’identifier, tout en conservant une certaine distance. “L’animal est comme un masque derriĂšre lequel l’enfant peut choisir de se voir
 ou non”, poursuit JoĂ«lle Turin.“Lire avec son enfant, pourquoi c'est important”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d'Api n°647, janvier 2020. Texte : JosĂ©phine Lebard. Illustrations : Sophie Bouxom.

Quant aux histoires qui seraient “pour filles” ou “pour garçons”, Nathalie Virnot balaie le dĂ©bat d’un revers de main. Un enfant peut s’identifier Ă  un personnage quel que soit son sexe : “ConsidĂ©rer qu’il existe des livres pour filles ou pour garçons, c’est fermer tout un pan d’imaginaire au petit. Un enfant a le droit et a besoin de rĂȘver Ă  ce qui n’est pas sa rĂ©alitĂ©  !”

Décrypter les images avant de savoir lire

“Attends ! Va pas trop vite, j’ai pas eu le temps de regarder les images !” Quel parent n’a pas entendu cette supplique alors qu’il s’apprĂȘtait Ă  tourner la page d’un livre ? Et pour cause : chez les 0-6 ans, avant l’apprentissage de la lecture, l’illustration permet l’accĂšs direct Ă  l’histoire. D’autant que, comme le note JoĂ«lle Turin, “l’illustration est un langage en soi. Il existe un jeu entre le texte et l’image. L’un ne dit pas la mĂȘme chose que l’autre.” D’ailleurs, souligne Nathalie Virnot, “le petit apprend Ă  dĂ©crypter le monde par des dĂ©tails : la couleur du ciel, le visage de ses parents
” Le regard se globalise seulement un peu plus tard.

Avec les illustrations, l’enfant peut mĂȘme prendre l’adulte par la main et se sentir valorisĂ© ; certes, il ne sait pas lire, mais il voit tous ces petits dĂ©tails qui fourmillent au grĂ© des pages et Ă©chappent Ă  notre regard de “grand”. “Je suis toujours Ă©merveillĂ©e par la capacitĂ© d’anticipation des enfants, rapporte la psychologue. MĂȘme s’ils n’ont jamais lu le livre auparavant, ils sont capables, grĂące Ă  ces indices visuels, de vous dire ce qui va se passer Ă  la page suivante.” De quoi ĂȘtre sacrĂ©ment fier de soi ! Et puis, en navigant d’un style graphique Ă  l’autre, en identifiant “la patte” de l’illustrateur, c’est aussi leur goĂ»t artistique qui s’affine.

“Lire avec son enfant, pourquoi c'est important”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d'Api n°647, janvier 2020. Texte : JosĂ©phine Lebard. Illustrations : Sophie Bouxom.

Lire
 et jouer !

Partager une histoire est un jeu comme un autre ! “On dĂ©couvre les capacitĂ©s de l’enfant, ce qui l’anime. La lecture est un moment de jubilation et de joie !”, affirme Nathalie Virnot. D’ailleurs, si on y rĂ©flĂ©chit bien, le livre repose sur le mĂȘme fonctionnement qu’un jeu : “La premiĂšre chose que nous propose une histoire, c’est d’en deviner la suite, rappelle JoĂ«lle Turin. Anticiper, imaginer, c’est finalement jouer aux devinettes !”

Ce n’est donc pas un hasard si de nombreux livres jeunesse mettent en scĂšne des jeux pratiquĂ©s par les enfants eux-mĂȘmes : le cache-cache, le loup, le “faire semblant”
 JoĂ«lle Turin poursuit : “D’autres reposent sur le jeu d’empilement, la notion de liste ou bien, dans la forme, empruntent le rythme de la comptine.” Bref, aucune raison d’enfermer la lecture dans le registre des “activitĂ©s sĂ©rieuses”, au contraire : “Les enfants rentrent beaucoup plus facilement dans les formes ludiques. La meilleure façon d’apprendre, c’est de jouer.”

“Lire avec son enfant, pourquoi c'est important”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d'Api n°647, janvier 2020. Texte : JosĂ©phine Lebard. Illustrations : Sophie Bouxom.

Explorer le monde et construire ses défenses

Plonger dans un livre, pour un enfant, c’est explorer le monde tout en se sentant sĂ©curisĂ©. D’abord par la prĂ©sence du parent : “Cette proximitĂ© physique le contient”, analyse Nathalie Virnot. Le tout-petit se sent Ă©galement “contenu” par la structure mĂȘme de l’ouvrage : “On ouvre, l’histoire est dedans. On ferme, l’histoire reste dedans”, rĂ©sume la psychologue.

JoĂ«lle Turin voit aussi dans la lecture un bon moyen de construire ses dĂ©fenses : “À travers l’imaginaire du livre, le petit vit des choses. Les Ă©motions sont aussi fortes que dans la vie, mais il n’y a pas de traumatismes. L’imaginaire recoupe des expĂ©riences de la rĂ©alitĂ©, comme la sĂ©paration ou l’absence, mais d’une autre façon.” À l’adulte de capter les expressions, les mots de l’enfant pour poursuivre le dialogue autour de l’histoire.

Et puis s’immerger dans une histoire, c’est aussi dĂ©couvrir de nouvelles maniĂšres de penser, de nouvelles façons de vivre qui sont autant de possibilitĂ©s, pour lui, d’élargir son horizon. Quel plus beau passeport pour faire ses premiers pas dans la vie ?

“Lire avec son enfant, pourquoi c’est important”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d’Api n°647, janvier 2020. Texte : JosĂ©phine Lebard. Illustrations : Sophie Bouxom.

Couverture du magazine Pomme d'Api et son supplément pour les parents, n°647, janvier 2020
“RĂȘves de cabanes”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d'Api n°642, aoĂ»t 2019. IdĂ©es, rĂ©alisation et photos : RaphaĂ«le Vidaling.

3 cabanes Ă  construire en famille

Refuge, cachette, repaire, cocon pour rĂȘver
 nos cabanes se construisent en famille, avec l’aide des enfants, dans le jardin ou la maison. Laissez-vous guider, tout est expliquĂ© dans notre supplĂ©ment pour les parents, Ă  tĂ©lĂ©charger et Ă  partager ! Bel Ă©tĂ© Ă  tous !

Ma tente au fond du jardin

Matériel
‱ un grand drap, une grande nappe ou une couverture
‱ de la ficelle
‱ des pinces à linge
‱ quelques gros cailloux
‱ et deux arbres !

“RĂȘves de cabanes”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d'Api n°642, aoĂ»t 2019. IdĂ©es, rĂ©alisation et photos : RaphaĂ«le Vidaling.

RĂ©alisation : 20 minutes
1) Tendre la ficelle entre deux arbres Ă  environ 1,20 m du sol.
2) Plier le drap en deux et l’étendre sur la ficelle. Le maintenir en place avec les pinces Ă  linge.
3) Maintenir au sol les deux pans de drap Ă©cartĂ©s Ă  l’aide de quelques gros cailloux.

Ce que l’enfant peut faire tout seul
‱ Aller chercher les gros cailloux.
‱ Aider à tendre la ficelle entre les arbres.
‱ Mettre les pinces à linge.

Ma cachette sous la table

Matériel
‱ une table rectangulaire
‱ une nappe en papier
‱ des crayons ou des feutres à large mine
‱ des ciseaux
‱ du Scotch

“RĂȘves de cabanes”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d'Api n°642, aoĂ»t 2019. IdĂ©es, rĂ©alisation et photos : RaphaĂ«le Vidaling.

RĂ©alisation : 2 heures
1) Recouvrir la table avec la nappe dans le sens de la largeur. Si besoin, découper le papier qui traßne par terre.
2) Tracer un trait sur la nappe le long des 2 grands bords de la table. Marquer ces 2 plis.
3) Retirer la nappe et l’étaler au sol pour dessiner. Tracer d’abord le contour de la porte. DĂ©couper verticalement au milieu (voir croquis Ă  tĂ©lĂ©charger), puis horizontalement sur le haut (voir croquis Ă  tĂ©lĂ©charger) : on obtient comme deux volets que l’on rabat et que l’on scotche Ă  l’intĂ©rieur. Cela consolide le contour de la porte.
4) Dessiner le dĂ©cor : fenĂȘtres, volets, vĂ©gĂ©tation, animaux

5) Pour les 2 petits cĂŽtĂ©s de la table, dĂ©couper des morceaux de nappe Ă  la bonne taille. On peut y dĂ©couper des fenĂȘtres ou un hublot, avant de les scotcher de l’intĂ©rieur.
6) Il ne reste plus qu’à remettre la nappe sur la table, la scotcher le long des pieds, et se cacher dessous.
Astuce : pour une cabane plus solide et pĂ©renne, on peut faire la mĂȘme chose avec un vieux drap.

Ce que l’enfant peut faire tout seul
‱Dessiner le dĂ©cor.
‱Aider Ă  dĂ©couper et Ă  scotcher les morceaux de nappe.

Ma hutte au fond des bois

Matériel
‱ une branche solide de 2 m de long au moins
‱ 2 branches de 1,70 m environ avec une fourche au bout
‱ des branches de tailles variĂ©es
‱ si possible, un gros caillou ou une souche
‱ une scie
‱ de la ficelle
‱ des ciseaux

“RĂȘves de cabanes”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d'Api n°642, aoĂ»t 2019. IdĂ©es, rĂ©alisation et photos : RaphaĂ«le Vidaling.

RĂ©alisation : 1/2 journĂ©e dehors
1) Ramasser des branches de tailles variées.
2) Soigner particuliĂšrement le choix de la faĂźtiĂšre (la branche principale) : solide, pas trop lourde, pour ne pas assommer les enfants en cas de chute.
3) Caler si possible une extrémité de la faßtiÚre sur un gros caillou ou une souche afin de surélever un peu le toit.
4) Maintenir l’autre extrĂ©mitĂ© en hauteur Ă  l’aide des deux branches pourvues de fourches, bien Ă©cartĂ©es, bien enfoncĂ©es dans le sol.
5) Consolider ce support avec de la ficelle. On peut ajouter une branche horizontalement, pour renforcer la “charpente”.
6) Recouvrir cette armature avec les branches classées par ordre de taille. On peut aussi finir par du feuillage, comme des fougÚres.

Ce que l’enfant peut faire tout seul
‱Aller chercher toutes sortes de branches et de feuillages.
‱Creuser les petits trous oĂč l’on piquera les fourches.
‱Recouvrir la hutte en disposant les branches par ordre de taille.

“RĂȘves de cabanes”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d’Api n°642, aoĂ»t 2019. IdĂ©es, rĂ©alisation et photos : RaphaĂ«le Vidaling.

Éloge de la cabane

PassionnĂ©e par l’habitat minimaliste, Fiona Meadows enseigne Ă  la CitĂ© de l’architecture et du patrimoine. Elle a contribuĂ© Ă  l’exposition “Cabanes”, que l’on peut visiter jusqu’au 5 janvier 2020 Ă  la CitĂ© des sciences et de l’industrie, Ă  Paris (+ d’infos dans le dossier Ă  tĂ©lĂ©charger ci-dessous). Elle rĂ©pond aux questions de Pomme d’Api.

Fiona Meadows - Photo : Édouard Richard/MAIF

La cabane fait-elle partie de vos souvenirs d’enfance ?
Fiona Meadows : “Oh oui ! Nous vivions dans un petit appartement. Mes premiĂšres cabanes, c’étaient la table de la cuisine recouverte d’un grand drap, le parapluie ouvert au-dessus du lit, les grands cartons d’emballage, renversĂ©s, dĂ©coupĂ©s. Je me suis rendu compte plus tard que c’était architectural : une structure (la table, le lit
), une enveloppe (le drap, la couverture
). L’étĂ©, Ă  la campagne, nous construisions des cabanes dans les arbres. C’est plus difficile, il faut savoir faire des nƓuds, couper du bois
 On se faisait aider par mon pĂšre et mon oncle. Un plaisir rituel et partagĂ© !”

Que cherche l’enfant, en construisant une cabane ?
F. M. : “Un petit coin Ă  lui, un habitat Ă  son Ă©chelle, Ă©loignĂ© du regard des parents, oĂč il peut s’inventer des histoires. Il va se l’approprier, l’habiter avec ses doudous, ou bien seul, pour lire, jouer ou rĂȘver ! Je pense que c’est instinctif, comme le chat qui va se nicher dans un recoin : il est important d’autoriser l’enfant Ă  le faire, librement ! Le plaisir de la cabane rĂ©side Ă  la fois dans le fait de la construire, de l’habiter, et de la dĂ©construire.”

Pour un architecte, la cabane, c’est quoi ?
F. M. : “C’est l’origine de l’architecture ! Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise cabane, tout est possible tant que l’enfant se l’approprie. Je rĂȘve de travailler avec des industriels du jouet pour concevoir du matĂ©riel de construction de cabanes, peu cher et adaptĂ© aux petits appartements. Pour que chacun puisse s’imaginer sa cabane, modulable et magique !”

“RĂȘves de cabanes”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d’Api n°642, aoĂ»t 2019. Propos recueillis par Anne Bideault. Photo : Édouard Richard/MAIF.

Couverture du magazine Pomme d'Api et son supplément pour les parents, n°642, août 2019
“Peindre, un jeu d'enfant”, Pomme d'Api n°649, mars 2020. Texte : Anne Bideault. Illustrations : AmĂ©lie Fontaine.

Peindre, un jeu d’enfant

L’enfant peint comme il joue. Avec bonheur et naturel. Nous nous sommes rendus dans un lieu oĂč les enfants ne font que ça
 Et le mot d’ordre, c’est “jouer” ! Reportage Ă  l’atelier “L’oĂč Jeu Peins”, prĂšs de Lyon.

À l’abri des regards et des commentaires

Sur une table roulante, godets, pinceaux et pots de couleurs sont alignĂ©s dans l’ordre des couleurs de l’arc-en-ciel, du blanc au noir en passant par le violet, le bleu, le vert, le jaune, l’orange et le rouge. Il y a un pinceau par godet, reconnaissable Ă  la couleur de son manche. Les murs, recouverts de papier kraft du sol au plafond, sont constellĂ©s de traces de peinture. Nous sommes Ă  l’atelier “L’oĂč Jeu Peins”, dans la mĂ©tropole de Lyon. Dans cette piĂšce ne pĂ©nĂštrent que les participants : enfants, adolescents et adultes
 Les parents, les curieux, restent sur le seuil. Car il est primordial de faire l’expĂ©rience du “jeu de peindre” Ă  l’abri des regards et des commentaires.

Vanessa Walter a fondĂ© cet atelier et y anime ces sĂ©ances d’expression libre depuis treize ans. Pour cela, elle s’est formĂ©e auprĂšs du pĂ©dagogue Arno Stern, qui a initiĂ© cette approche dĂšs 1946 et l’a depuis thĂ©orisĂ©e. Une façon pour Vanessa d’allier sa formation initiale en arts appliquĂ©s Ă  son engagement dans des mouvements d’éducation populaire. Elle installe aussi son dispositif dans des crĂšches, des Ă©coles, des relais d’assistantes maternelles


Une grande feuille blanche


Vanessa Walter rĂ©cuse les termes â€œĂ©veil artistique” : “Ce n’est pas de l’art que je propose, mais de l’expression. L’expression est Ă  la portĂ©e de tous, quels que soient les compĂ©tences, le milieu social, l’ñge, la langue
” Au dĂ©but de l’atelier, chaque “joueur”, pour reprendre l’appellation qu’elle utilise, prend une grande feuille blanche et la fixe au mur avec des punaises. Les enfants les plus jeunes, ĂągĂ©s d’à peine 3 ans, disparaissent derriĂšre les immenses feuilles de papier qu’ils doivent saisir les bras grands Ă©cartĂ©s !

“Peindre, un jeu d'enfant”, Pomme d'Api n°649, mars 2020. Texte : Anne Bideault. Illustrations : AmĂ©lie Fontaine.

Aujourd’hui, LĂ©a est lĂ  pour la premiĂšre fois. Toute menue dans un large tablier, elle se tient sans bouger, muette, au milieu de la salle. Ses yeux balayent l’espace, se posent sur la table-palette, puis sur les autres enfants qui jouent de leurs pinceaux sur leurs feuilles. Vanessa laisse s’écouler un peu de temps, avant de lui dire doucement : “Les feuilles sont lĂ , si tu veux, tu peux en prendre une.” La petite fille reste immobile, jusqu’à ce que Vanessa lui propose son aide et la prenne par la main : “Je n’interviens que si je vois que l’enfant ne sait pas comment s’y prendre. Certains enfants prĂ©fĂšrent observer longuement. Notre sociĂ©tĂ© valorise l’action, mais pour les activitĂ©s autour de la crĂ©ation – peinture, danse, musique
 â€“ il est prĂ©cieux de les laisser prendre le temps.” ConcentrĂ©e, LĂ©a se met Ă  tracer des courbes roses sur le blanc du papier. Elle ne changera de couleur que bien aprĂšs.

“Peindre, un jeu d'enfant”, Pomme d'Api n°649, mars 2020. Texte : Anne Bideault. Illustrations : AmĂ©lie Fontaine.

Les petits sont absorbĂ©s par la manipulation du matĂ©riel : le pinceau Ă  tremper dans le godet ou dans l’eau. Ils multiplient les allers-retours entre la feuille et la palette. À les observer, on se rend compte qu’il n’est pas si facile de retrouver la couleur correspondant Ă  son pinceau. Pas plus que sa feuille ! Certains tracent allĂšgrement sur celle de leur voisin. Vanessa les guide de sa voix douce : “Ta feuille Ă  toi, elle est lĂ . Tout doux avec le pinceau, comme une caresse !” Lorsqu’une goutte tombe sur le linolĂ©um, les enfants vont spontanĂ©ment chercher de quoi l’essuyer. Des gants de toilette humides sont Ă  leur disposition. À cĂŽtĂ© de LĂ©a, Samuel est en arrĂȘt : les yeux Ă©carquillĂ©s, il contemple sa main, devenue bleue.

Hanine a manipulĂ© un pinceau noir avec Ă©nergie. Elle demande une autre feuille, et va dĂ©jĂ  chercher des punaises pour la fixer. Sans un mot, Vanessa dĂ©croche la premiĂšre Ɠuvre d’Hanine et la suspend plus haut pour qu’elle sĂšche, aux cĂŽtĂ©s d’une bonne dizaine d’Ɠuvres rĂ©alisĂ©es depuis le dĂ©but de la sĂ©ance.

“C’est le moment qui compte, pas le rĂ©sultat”

Aucune feuille ne sortira du lieu, elles seront rangĂ©es dans de grands cartons Ă  dessin. Les enfants ne rapportent rien dans les familles. Ni aujourd’hui, ni Ă  la fin de l’annĂ©e. La rĂšgle est la mĂȘme pour les participants adultes.

Pourquoi ne pas montrer ce qu’on a fait ? “Je compare le jeu de peindre Ă  celui de la dĂźnette : c’est le moment qui compte, pas le rĂ©sultat. J’explique aux enfants que je suis la gardienne des peintures. Je les conserve, je les protĂšge, pour que personne ne puisse dire “C’est beau”, “C’est pas beau”, ou “C’est quoi ?”.

“Peindre, un jeu d'enfant”, Pomme d'Api n°649, mars 2020. Texte : Anne Bideault. Illustrations : AmĂ©lie Fontaine.

À bien y rĂ©flĂ©chir, s’extraire ainsi de la pression du rĂ©sultat est libĂ©rateur. On se recentre sur le vĂ©cu : “Je ne rapporte aux parents que ce que j’ai observĂ© de l’attitude de l’enfant : son comportement, son bien-ĂȘtre, son sĂ©rieux
 La trace ne dirait rien de tout ça.” De mĂȘme, faire des commentaires, mĂȘme admiratifs (“Waouh, c’est beau !”) habitue l’enfant Ă  attendre un jugement de valeur sur ses rĂ©alisations. “Tous les enfants jouent Ă  tracer pour eux-mĂȘmes, mais quand ils se rendent compte que l’adulte porte un avis sur ce qu’ils font, ça stoppe leur crĂ©ativitĂ© ! Il n’y a qu’à voir combien d’adultes sont bloquĂ©s !”

Quand elle sent qu’un enfant commence Ă  dĂ©crocher, Vanessa l’oriente vers une table oĂč sont disposĂ©es des petites mottes d’argile : “Le pinceau nĂ©cessite des gestes doux. Le malaxage de la terre, que l’on peut frapper, tordre
 permet d’ĂȘtre dans un contact tactile souvent apaisant.” AprĂšs quelques minutes de modelage, Samuel choisit de retourner peindre. Dans la salle, l’atmosphĂšre est calme. “Je suis Ă  leur service, garante du cadre, gardienne de leurs crĂ©ations, conclut Vanessa. Je ressens beaucoup leur plaisir, leur concentration, leur dĂ©tente.”

“Peindre, un jeu d'enfant”, Pomme d'Api n°649, mars 2020. Texte : Anne Bideault. Illustrations : AmĂ©lie Fontaine.

Petits conseils pour peindre Ă  la maison

‱ RĂ©duire le nombre de couleurs : trois suffisent !
‱ Utiliser des pots peu profonds pour Ă©viter qu’ils ne se renversent.
‱ Disposer autant de pinceaux que de couleurs, avec un support pour chacun (une assiette).
‱ Laisser à disposition une lavette humide pour que l’enfant soit autonome.
‱ Fixer la feuille sur un support pour Ă©viter qu’elle ne bouge. Si vous pouvez installer un chevalet ou utiliser un mur, faites-le : un support vertical permet des mouvements plus amples, plus libres.
‱ S’y mettre aussi, pour soi, sans “faire Ă  la place”, mĂȘme si on vous le rĂ©clame !
‱ Retenir ses commentaires et son analyse : une crĂ©ation n’a pas Ă  reprĂ©senter forcĂ©ment quelque chose. Libre Ă  l’enfant de vous expliquer ou non son dessin.
‱ PrivilĂ©gier la description : “Tu as utilisĂ© du jaune, et tu es montĂ© jusqu’en haut de la feuille. LĂ , je vois que c’est bien plus foncĂ© qu’ici. Alors que sur tout ce cĂŽtĂ©, je vois que tu n’as pas mis de couleur.”

Pour aller plus loin : “Le Jeu de Peindre”

“Le but [
] n’est pas de transmettre une technique artistique : ici, l’objectif est de libĂ©rer le geste crĂ©atif, la trace et la personne qui peint.” Toute la dĂ©marche d’Arno Stern expliquĂ©e dans cet ouvrage qui s’adresse aux parents, aux Ă©ducateurs et aux enseignants, et qui dĂ©crit comment par “le Jeu de Peindre”, tout ĂȘtre humain est capable d’exprimer ce qui ne pourrait ĂȘtre exprimĂ© par aucun autre moyen. “Le Jeu de peindre”, Arno Stern, Actes Sud, 2011.

“Peindre, un jeu d’enfant”, Pomme d’Api n°649, mars 2020. Texte : Anne Bideault. Illustrations : AmĂ©lie Fontaine.
Couverture du magazine Pomme d'Api et son supplément pour les parents, n°649, mars 2020