Pourquoi mon enfant aime-t-il les livres imagiers ?

Pourquoi mon enfant aime-t-il les livres imagiers ?

Ils ne racontent pas d’histoire, mais les tout-petits adorent ces livres pleins d’images accompagnĂ©es seulement de quelques mots ! Pourquoi cet intĂ©rĂȘt ? Qu’apportent-ils aux jeunes enfants
 qui demandent sans cesse qu’on les lise et relise avec eux ?

Margaud Liseuse rĂ©pond sur la chaĂźne YouTube de Pomme d’Api


“Le monde secret de l'enfance”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d'Api n°645, novembre 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Pascal LemaĂźtre.

15 mots pour comprendre les besoins de votre enfant

De A comme “Autonomie” Ă  T comme “Temps”, en passant par “Limites”, “Pleurs” ou “Sommeil”, Pomme d’Api vous offre un petit guide pour comprendre les besoins spĂ©cifiques de votre enfant et l’accompagner avec confiance. “Confiance”, ce mot n’apparaĂźt pas car il est partout… C’est la clĂ© de voĂ»te du dĂ©veloppement de l’enfant.

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Propos recueillis par Joséphine Lebard pour le supplément pour les parents du magazine Pomme d'Api n°647 de janvier 2020. Illustrations : Serge Bloch. Photo : DR.

Trois questions à Serge Bloch, le créateur de SamSam

À l’occasion de la sortie du film “SamSam”, au cinĂ©ma le 5 fĂ©vrier, la rĂ©daction de Pomme d’Api a interviewĂ© le dessinateur Serge Bloch, “papa” du plus petit des grands hĂ©ros.

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Confiance en soi : comment aider son enfant ? Charlotte Poussin - Magazine Ma maison Montessori

Confiance en soi : comment aider son enfant ?

La confiance en soi n’est pas innĂ©e. Comment aider son enfant Ă  acquĂ©rir cet atout qui lui sera prĂ©cieux tout au long de sa vie ? La rĂ©daction du magazine Ma Maison Montessori a interrogĂ© Charlotte Poussin, Ă©ducatrice et auteure de la nouvelle collection “Mes amis Montessori” (Ă©ditions Bayard jeunesse).

Qu’est-ce que la confiance en soi chez un enfant ?

C’est d’abord avoir confiance en la vie, faire confiance aux autres et faire confiance Ă  son environnement. Lorsqu’il n’est pas inhibĂ© dans ses Ă©lans, l’enfant dĂ©veloppe son plein potentiel, il est capable de prendre des initiatives. Et, quand il se trompe, ce n’est pas un problĂšme !

La confiance en soi est donc liĂ©e Ă  l’estime de soi : l’enfant s’aime assez pour essayer, Ă©chouer, puis essayer encore. Il n’y a pas de raison de s’inquiĂ©ter si, parfois, l’enfant n’ose pas se lancer. C’est plus prĂ©occupant s’il a une rĂ©action disproportionnĂ©e quand il Ă©choue
 Ou s’il a tellement peur de rater qu’il n’essaie plus ou choisit toujours la solution de facilitĂ©.

Il ne faut pas confondre estime de soi et narcissisme : quand un enfant a confiance en lui, ça ne veut pas dire qu’il se sent meilleur que les autres, mais simplement qu’il s’accepte tel qu’il est et qu’il est capable de se dire : “Je peux rĂ©ussir sans Ă©craser l’autre, je ne suis pas en compĂ©tition avec lui. Je peux rĂ©ussir et l’autre aussi.”

En quoi la pĂ©dagogie Montessori peut-elle aider un enfant Ă  gagner en confiance ?

L’éducation, c’est une aide Ă  la vie ! Maria Montessori soulignait l’importance des premiĂšres annĂ©es de l’enfance. La pĂ©riode entre 0 et 3 ans est dĂ©terminante, car elle conditionne la confiance que l’enfant va avoir en lui et envers les autres. Dans le ventre de sa mĂšre, ses besoins sont comblĂ©s, mais Ă  sa naissance, il n’y a plus de tampon entre lui et le monde. Aider l’enfant Ă  prĂ©server sa sĂ©curitĂ© intĂ©rieure et le “coffre aux trĂ©sors” qu’il a en lui – la confiance, la curiositĂ©, le plaisir d’apprendre â€“, c’est tout l’enjeu de cette approche.

La pĂ©dagogie Montessori fait en sorte que l’environnement de l’enfant soit toujours adaptĂ©, du mobilier aux activitĂ©s, pour qu’il puisse dĂ©velopper son potentiel. Les moments oĂč il est concentrĂ© sont Ă©galement essentiels ! Si l’enfant est plongĂ© dans une activitĂ©, l’éducateur ne l’interrompt jamais, ni avec une remarque nĂ©gative, ni avec une remarque positive, car ces interventions nuisent Ă  sa concentration et crĂ©ent chez l’enfant un besoin de reconnaissance. En complimentant l’enfant, on le dĂ©tourne de sa motivation endogĂšne : soit il considĂšre alors que ce qu’il fait est acquis, soit il est tentĂ© de faire une activitĂ© uniquement pour ĂȘtre fĂ©licitĂ©.

Quels conseils donneriez-vous aux parents ?

Laissons les enfants vivre avec nous ! Et ça ne passe pas uniquement par la case “jeu”. Il faut savoir que dĂšs l’ñge de 18 mois, l’enfant Ă©prouve l’envie de “faire comme” et “faire avec” l’adulte. Par exemple, avec des objets adaptĂ©s Ă  sa taille et Ă  son Ăąge, il peut apprendre Ă  couper des aliments, faire couler son bain, ranger, nettoyer
 Ça demande du temps, mais ça vaut le coup !

Comme le disait Maria Montessori, “toute aide inutile est une entrave au dĂ©veloppement”. Donc si votre enfant se lance dans une activitĂ©, Ă©vitez les petites phrases du type : “tu es trop petit”, “tu vas te couper”, “tu t’es trompĂ©â€, “laisse-moi faire”. Laissez-le prendre des risques mesurĂ©s. Et lorsqu’il est concentrĂ©, ne l’interrompez pas.

Enfin, il faut se mĂ©fier des compliments. PrivilĂ©giez plutĂŽt l’autoĂ©valuation. Au lieu de lui dire “Tu as Ă©tĂ© le meilleur !”, optez pour la question “Qu’est-ce que tu as pensĂ© de ton match ?” Prendre le temps de les impliquer, c’est une marque de profond respect et un cadeau de patience que nous leur faisons !

Interview réalisée par HélÚne Perrin

 

Mes amis Montessori, éditions Bayard jeunesse. Charlotte Poussin, Emmanuelle Houssais
«Leur naissance, une histoire “pour de vrai”», Pomme d'Api n° 640, juin 2019. Texte : JosĂ©phine Lebard. Illustrations : Kei Lam.

Comment raconter Ă  votre enfant l’histoire de sa naissance ?

ArrivĂ©e d’un frĂšre ou d’une sƓur, questions sur la “fabrication” des bĂ©bĂ©s, ou envie d’en savoir plus, tout simplement
 : les petits sont souvent curieux de l’histoire de leur naissance. La rĂ©daction du magazine Pomme d’Api a interrogĂ© des spĂ©cialistes pour vous accompagner dans le rĂ©cit de ce moment si prĂ©cieux du roman familial.

“C’était une nuit de grand vent. Par la fenĂȘtre de la salle d’accouchement, on regardait les branches se balancer en attendant ta venue.” Cette histoire, Juliette et Thibault, les parents de Simon, 5 ans, la dĂ©butent toujours de la mĂȘme façon. À chaque fois, le petit garçon l’écoute avec ravissement. Et pour cause : cette histoire, c’est celle de sa naissance. “Il nous demande trĂšs rĂ©guliĂšrement de lui dire comment cela s’est passĂ©. On feuillette les albums de photos, on ressort le faire-part”, raconte Juliette. Au-delĂ  de la seule Ă©vocation d’un souvenir, relater Ă  un petit l’histoire de sa naissance est essentiel. C’est en effet souvent entre 3 et 6 ans qu’un enfant commence Ă  s’interroger sur la façon dont on fait les bĂ©bĂ©s. Et donc aussi sur sa venue au monde
 Tout un programme ! “L’enfant est avide de ce rĂ©cit car il a besoin de vĂ©rifier qu’il est nĂ© et qu’il est aimable”, rĂ©sume Sylvie Prager-SĂ©chaud, psychopraticienne et auteure de Les mĂ©moires de naissance (Ă©ditions Dangles).

«Leur naissance, une histoire “pour de vrai”», Pomme d'Api n° 640, juin 2019. Texte : JosĂ©phine Lebard. Illustrations : Kei Lam.

L’inscrire dans l’histoire familiale

L’enfant a besoin de “vĂ©rifier qu’il est nĂ©â€, car raconter sa naissance Ă  son enfant, c’est le mettre en contact avec des souvenirs que – consciemment du moins â€“ il n’a pas. Mais c’est aussi l’inscrire dans l’histoire familiale. “La naissance, c’est le moment oĂč on donne un nom, rappelle Myriam Ott, psychologue clinicienne. C’est le dĂ©but du sentiment d’appartenance Ă  une lignĂ©e, avec toutes ces personnes qui sont venues lui rendre visite : les grands-parents, les oncles, les tantes, les amis
”

«Leur naissance, une histoire “pour de vrai”», Pomme d'Api n° 640, juin 2019. Texte : JosĂ©phine Lebard. Illustrations : Kei Lam.

IlyĂšs, 4 ans, adore regarder les photos oĂč, nourrisson, il passe de bras en bras dans les premiĂšres semaines de sa vie. “Une bonne occasion de lui rappeler qui est qui dans la famille”, raconte InĂšs, sa maman. “Cela permet d’éclairer la lignĂ©e et les racines, estime Sylvie Prager-SĂ©chaud. Cela enveloppe l’enfant, comme un berceau autour de lui.”

«Leur naissance, une histoire “pour de vrai”», Pomme d'Api n° 640, juin 2019. Texte : JosĂ©phine Lebard. Illustrations : Kei Lam.

Enfin, l’enfant a besoin de “vĂ©rifier qu’il est aimable”, car raconter sa naissance, plusieurs fois, Ă  sa demande, n’est rien d’autre qu’une preuve d’amour qu’on donne Ă  son petit
 notamment quand il a besoin d’ĂȘtre rassurĂ© Ă  ce sujet. “Cela rejaillit Ă  plusieurs moments de la vie, confirme Myriam Ott. Par exemple, quand un petit frĂšre ou une petite sƓur s’annonce. Le fait qu’il ait lui-mĂȘme Ă©tĂ© bĂ©bĂ© Ă©chappe Ă  l’aĂźnĂ©. Dans cette demande de rĂ©cit, il y a le besoin de se sentir important, aimĂ©.” Pour la psychologue clinicienne Brigitte Borsoni, coauteure de Des femmes, des bĂ©bĂ©s
 et des psys (ÉrĂšs), “raconter Ă  l’aĂźnĂ© qu’on a aussi pris soin de lui quand il est nĂ© permet de faire baisser le niveau de rivalitĂ© qui peut se profiler Ă  l’arrivĂ©e du deuxiĂšme enfant”.

Raconter
 ce qui le concerne

Raconter la naissance, d’accord, mais raconter quoi ? “L’essentiel est de parler vrai, estime Brigitte Borsoni. Il n’est pas nĂ©cessaire de faire un faux rĂ©cit parfaitement idyllique. Mais il n’est pas indispensable – si les choses ne se sont pas trĂšs bien passĂ©es â€“ de dramatiser. L’enfant a besoin de savoir ce qui le concerne et seulement cela. Il a besoin de connaĂźtre des choses qui vont l’aider Ă  grandir.” Pour Myriam Ott, l’important est de raconter “la rencontre, les premiers regards, le choix du prĂ©nom, combien il pesait
 Autant de choses qui donnent de la valeur au moment”. Si l’accouchement a Ă©tĂ© un moment compliquĂ© (lire plus bas “Que dire quand cela s’est moins bien passĂ© ?”), rien n’interdit de prendre le temps, et de dire Ă  l’enfant : “Je vais rĂ©flĂ©chir et nous en reparlerons bientĂŽt, c’est promis.”

“Et toi ?”

Dans ce rĂ©cit, il convient de laisser une place Ă  l’enfant. “On ne va pas tout dire en une fois, tempĂšre Brigitte Borsoni. Il faut laisser la porte ouverte aux questionnements.” Et, pour Sylvie Prager-SĂ©chaud, il est important de rendre l’enfant acteur de sa naissance. La psychopraticienne propose ainsi de lui demander : “Et toi, qu’est-ce que tu en penses ? D’aprĂšs toi, c’était comment ?” Évidemment, le petit ne livrera pas un rĂ©cit circonstanciĂ© de sa venue au monde. Mais Ă©mergeront peut-ĂȘtre alors des ressentis, des Ă©motions
 qu’on pourra revisiter ensemble. Aude a ainsi demandĂ© Ă  ses jumelles comment elles Ă©taient dans son ventre, juste avant qu’elle accouche. L’une des deux a rĂ©pondu : “Oh nous, c’était bien : on jouait aux cartes et on mangeait des bonbons !”

«Leur naissance, une histoire “pour de vrai”», Pomme d'Api n° 640, juin 2019. Texte : JosĂ©phine Lebard. Illustrations : Kei Lam.

Comment raconter sa naissance Ă  un enfant adoptĂ© ?

Dr Pierre LĂ©vy-Soussan, pĂ©dopsychiatre, mĂ©decin directeur de la Consultation Filiation-Consultation MĂ©dico-Psychologique (Cofi-CMP) Ă  Paris, auteur de Destins de l’adoption (Fayard) :
« Raconter sa naissance Ă  un enfant adoptĂ©, c’est avant tout lui raconter comment la famille est devenue “famille”, grĂące Ă  lui. Lui parler de sa naissance psychique. Il s’agit par lĂ  d’évoquer le dĂ©sir qu’on avait d’un petit, puis la lettre ou le courrier annonçant son arrivĂ©e prochaine et enfin la rencontre. Ensuite seulement, les parents peuvent Ă©tablir le maillage avec la “premiĂšre” naissance. À ce stade, ce qui intĂ©resse l’enfant, ce n’est pas tant l’informatif que le narratif. Il faut que les parents trouvent les mots par rapport aux origines de l’enfant. Le sujet n’est pas tabou, l’abandon a toujours existĂ©. Il faut dire qu’il existe des parents qui ne veulent pas ĂȘtre parents alors que – et ça tombe bien â€“ d’autres veulent l’ĂȘtre et ne le peuvent pas. Pour raconter cette  naissance originelle, il faut avant tout avoir installĂ© le rĂ©cit autour de la naissance psychique. Ainsi, l’enfant sera suffisamment solide pour faire face Ă  l’histoire de sa “premiĂšre” naissance. Â»

Que dire quand cela s’est moins bien passĂ© ?

«Leur naissance, une histoire “pour de vrai”», Pomme d'Api n° 640, juin 2019. Texte : JosĂ©phine Lebard. Illustrations : Kei Lam.

L’accouchement a Ă©tĂ© compliquĂ©
Un travail douloureux et interminable, une cĂ©sarienne en catastrophe, la peur qui prend le pas sur tout le reste
 L’accouchement n’a pas toujours la couleur rose bonbon qu’on aimerait qu’il ait
 Pour Myriam Ott, “les choses peuvent ĂȘtre dites Ă  partir du moment oĂč nous avons nous-mĂȘmes fait le deuil de la naissance idĂ©ale”. Mieux vaut donc avoir digĂ©rĂ© l’épisode, se faire aider si on sent que le traumatisme est toujours vivace. Puis insister sur les dimensions positives. Brigitte Borsoni propose d’évoquer la prĂ©sence de personnes secourables (le personnel mĂ©dical, le pĂšre
), au cours de cet Ă©pisode compliquĂ© : “Savoir qu’on peut s’appuyer sur d’autres dans les moments plus difficiles de la vie, c’est important.”

Il est arrivé trop tÎt

Un bĂ©bĂ© prĂ©maturĂ©, c’est aussi un bouleversement. Pour Brigitte Borsoni, “il ne faut pas raconter l’angoisse. Mais on peut dire la sĂ©paration, les allers-retours Ă  la clinique. Dire qu’il y a eu des difficultĂ©s pour le bĂ©bĂ© comme pour les parents, mais qu’on a fait avec”. Et pourquoi ne pas lire le joli Il n’est jamais trop tĂŽt pour dire je t’aime, d’Angela Portella (Larousse) qui traite ce sujet avec dĂ©licatesse ?

«Leur naissance, une histoire “pour de vrai”», Pomme d'Api n° 640, juin 2019. Texte : JosĂ©phine Lebard. Illustrations : Kei Lam.

On a eu des difficultés à assumer notre rÎle de parents
Pour certains parents, le coup de foudre avec l’enfant est immĂ©diat. Pour d’autres, la rencontre prend plus de temps. Pour certaines mĂšres (de 10 Ă  20 % environ), une dĂ©pression post-partum peut survenir. D’oĂč un sentiment de culpabilitĂ© quand il s’agit de raconter la naissance et les premiers mois, moins idylliques qu’on ne l’aurait voulu. Pour Brigitte Borsoni, “l’enfant doit ĂȘtre sĂ©curisĂ©, il est donc essentiel de rappeler que ce n’est ni de sa faute, ni de celle de ses parents”. Pour Myriam Ott, on peut s’appuyer sur la notion d’apprivoisement : “Au dĂ©but, cela n’a pas Ă©tĂ© trĂšs facile. Un bĂ©bĂ©, ça pleure beaucoup et on ne savait pas toujours bien te comprendre. Alors on a cherchĂ© ensemble. Et petit Ă  petit, on a appris Ă  se connaĂźtre.” Et la psychologue de conclure : “Il faut aussi rappeler que la vie ne s’arrĂȘte pas Ă  cet Ă©pisode.”

«Leur naissance, une histoire “pour de vrai”», Pomme d'Api n° 640, juin 2019. Texte : JosĂ©phine Lebard. Illustrations : Kei Lam.

Un dĂ©cĂšs est survenu en mĂȘme temps que la naissance
Il arrive que la vie et la mort se tĂ©lescopent au-dessus du berceau. Le dĂ©cĂšs d’un grand-parent survient dans les semaines entourant la naissance. DĂšs lors, comment raconter une naissance oĂč la joie et la tristesse ont cohabitĂ© ? “Les sentiments ne font pas peur Ă  l’enfant, estime Myriam Ott. C’est l’angoisse qui l’effraie. On peut donc expliquer Ă  un petit que, parfois, des sentiments contradictoires surviennent.” Mais il convient de conserver au petit sa place d’enfant. Lui dire : “Je vais bien grĂące Ă  toi” ou “Tu as Ă©tĂ© la seule chose qui m’a fait tenir Ă  ce moment-là” met un poids colossal sur ses Ă©paules. “Mais s’il nous a aidĂ©s Ă  nous tourner vers la vie, on peut l’exprimer, estime Brigitte Borsoni. Il faut surtout insister sur le fait que, si nous avons Ă©tĂ© tristes, ce n’était pas Ă  cause de lui. Et revisiter les beaux moments de cette rencontre parents-enfant.” 

«Leur naissance, une histoire “pour de vrai”», Pomme d’Api n° 640, juin 2019. Texte : JosĂ©phine Lebard. Illustrations : Kei Lam.
Couverture du magazine Pomme d'Api n°640, juin 2019, et son supplément pour les parents.
 
“Quand les parents se sĂ©parent”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d’Api, n° 639, mai 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Pascal LemaĂźtre.

SĂ©paration : comment protĂ©ger son enfant ?

Les chiffres sont sans appel : un couple sur trois se sĂ©pare, et la moitiĂ© de ces couples ont au moins un enfant Ă  charge. Chaque annĂ©e, prĂšs de 200 000 enfants sont confrontĂ©s Ă  la sĂ©paration de leurs parents. Mais cette frĂ©quence ne doit pas faire oublier que, pour un enfant, la sĂ©paration de ses parents est un bouleversement complet.

“Pourquoi je suis lĂ  ?”

La sĂ©paration des parents ? C’est un “tsunami”, un “monde qui s’écroule”
 Pour nous faire comprendre ce qui se passe dans le corps et le cƓur d’un enfant lorsque ses parents annoncent leur sĂ©paration, les professionnels n’y vont pas par quatre chemins. Timidement, comme pour nous convaincre que c’est moins terrible qu’ils ne le disent, on insiste encore : “MĂȘme si ses parents se disputaient souvent ?”, “MĂȘme si ça se passe sans heurts ?”. Oui. MĂȘme si.“Quand les parents se sĂ©parent”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d’Api, n° 639, mai 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Pascal LemaĂźtre.

Autant ne pas se voiler la face : quand ses parents se sĂ©parent, quelle que soit la situation et mĂȘme si la vie Ă  la maison Ă©tait un enfer, l’enfant vit quelque chose de trĂšs difficile. Pourquoi ? Parce que l’enfant n’est plus Ă  mĂȘme, soudainement, de rĂ©pondre Ă  la question “Pourquoi je suis lĂ  ?”, explique VĂ©ronique Herlant, psychologue Ă  Lyon. La rencontre –  quelles qu’en soient les conditions â€“ entre ses parents, dont il est le fruit, et qui justifie sa prĂ©sence, a perdu son sens. Pour retrouver sa place, pour reprendre pied, “il va falloir que l’enfant remaille ce trou qui s’est ouvert, remette du sens.” Et ça, ça prend du temps.

“Est-ce que c’est pour toujours ?”

La profondeur de la blessure est telle que l’enfant tente de la colmater en nourrissant l’espoir que ses parents se remettent ensemble. MĂȘme un enfant qui affirme : “J’ai bien compris que c’est pour toujours” cultive cette croyance. Certains adultes tĂ©moignent d’ailleurs Ă  quel point ils ont vĂ©cu longtemps avec cette idĂ©e.

De mĂȘme, l’enfant a inĂ©vitablement la conviction que tout cela, c’est de sa faute. “L’enfant a besoin de se sentir coupable, expliquent les auteures de Une semaine chez Papa, une semaine chez Maman, Claire Wiewauters et Monique Van Eyken. Il est confrontĂ© Ă  une dĂ©cision Ă  laquelle il ne peut rien changer et dans laquelle sa voix ne compte pas.” Se dire que c’est de sa faute, complĂšte VĂ©ronique Herlant, c’est “reprendre prise, ĂȘtre acteur de ce qui arrive, reprendre place dans la scĂšne qui se joue. Cela vaut mieux que de se sentir Ă©cartĂ©â€.

Il incombe aux parents de dire que leur dĂ©cision est “une affaire de grands”. Sans craindre de se rĂ©pĂ©ter, comme le souligne RaphaĂ«l, un papa sĂ©parĂ© : “Il a fallu rĂ©pĂ©ter Ă  notre fille les Ă©lĂ©ments sĂ©curisants, lui redire l’amour que l’on a pour elle, et qu’elle ne perdra ni l’un ni l’autre de ses parents.” Il est important de bien distinguer la relation parent-enfant de celle qui unissait les deux adultes.

L’entourage proche, les grands-parents peuvent aussi jouer un rĂŽle important, pour que l’enfant ne se sente pas seul face Ă  l’énigme de la sĂ©paration de ses parents. Si le cadre familial se trouve bouleversĂ©, la maison des grands-parents peut offrir un havre de paix Ă  l’enfant, dans la mesure oĂč ceux-ci s’abstiennent de prendre part au conflit.

“Quand les parents se sĂ©parent”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d’Api, n° 639, mai 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Pascal LemaĂźtre.

Être attentif aux rĂ©actions de son enfant

Ce qu’éprouve l’enfant ne se voit pas toujours. Si certains enfants rĂ©agissent trĂšs fort Ă  l’annonce de la sĂ©paration de leurs parents (physiquement et verbalement), d’autres ne manifestent pas leur rĂ©action de façon explicite. “Elle n’a pas rĂ©agi, relatent les parents, interloquĂ©s. On s’est mĂȘme demandĂ© si elle avait entendu.” C’est “comme si de rien n’était”
 du moins en surface. Mais le corps a d’autres langages.

VĂ©ronique Herlant reçoit souvent des enfants en consultation pour “des symptĂŽmes” : cauchemars frĂ©quents, retour du pipi au lit, difficultĂ© de se sĂ©parer au moment d’entrer dans la classe ou d’aller chez la nounou
 Ces troubles peuvent ĂȘtre des Ă©chos de la relation entre les parents. L’enfant peut Ă©galement rĂ©agir avec un dĂ©calage dans le temps. Coralie en tĂ©moigne : deux ans aprĂšs la sĂ©paration de ses parents, sa fille s’est mise Ă  faire des reproches trĂšs durs Ă  sa mĂšre.

“Quand les parents se sĂ©parent”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d’Api, n° 639, mai 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Pascal LemaĂźtre.

Un enfant a déjà vécu des séparations

“J’ai hallucinĂ© sur la capacitĂ© d’adaptation de ma fille ! Je l’ai trouvĂ©e super forte dans cette Ă©preuve”, confie RaphaĂ«l, admiratif, sans pour autant s’aveugler sur les “moments de chagrin intense qu’elle traverse”.

Dans sa vie, un enfant a dĂ©jĂ  vĂ©cu des sĂ©parations. En tout premier, sa naissance, qui l’a arrachĂ© au cocon douillet du sein maternel, puis les premiĂšres sĂ©parations de la vie quotidienne : aller chez la nounou, Ă  l’école, partir chez les grands-parents
 L’enfant sait quelque chose de la douleur, du refus de se sĂ©parer. “Tout ce matĂ©riau va lui ĂȘtre utile, explique VĂ©ronique Herlant, en venant rĂ©sonner avec ce qu’il a Ă  vivre. On aimerait tous de l’harmonie, mais on fait l’expĂ©rience que la rĂ©alitĂ© est faite d’inadĂ©quation, et qu’il faut en permanence s’adapter. L’enfant est dans ce travail depuis sa naissance.”

“Quand les parents se sĂ©parent”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d’Api, n° 639, mai 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Pascal LemaĂźtre.

Se comporter en adulte

Bien sĂ»r, une sĂ©paration conflictuelle est plus difficile Ă  vivre qu’une sĂ©paration oĂč chaque parent maintient un lien constructif avec l’autre. Pour s’y efforcer, Claire Wiewauters et Monique Van Eyken suggĂšrent aux parents d’adopter la perspective de l’enfant, pour essayer de voir la situation “à travers ses yeux”.

Parmi les parents qui ont tĂ©moignĂ© de leurs sĂ©parations, deux sont professionnellement confrontĂ©s Ă  des dĂ©chirements conjugaux. L’un travaille dans la police, l’autre intervient auprĂšs de familles, Ă  la demande du juge aux affaires familiales. Et cela a jouĂ© dans leur façon d’aborder leur cas personnel : “Je suis flic, et je peux vous dire que j’en vois, des enfants qui morflent. Et dans tous les milieux. J’ai voulu Ă©viter ça Ă  ma fille Ă  tout prix.” Comment ? En se comportant en adulte.

“Se comporter en adulte, dĂ©taille VĂ©ronique Herlant, c’est par exemple prendre assez de hauteur pour ne pas interprĂ©ter comme un rejet de sa personne les manifestations de colĂšre, de tristesse, de dĂ©pression ou de rejet que peut Ă©prouver l’enfant.” Ainsi, face Ă  un enfant qui dĂ©clare : “Je ne veux plus te voir”, c’est Ă  l’adulte de ne pas rĂ©pondre sur le mĂȘme niveau, en Ă©vitant de rĂ©pliquer, en colĂšre : “Moi non plus, je ne veux plus te voir” ou “Tu vas voir, je vais t’y obliger.” Autre cas classique : l’enfant, qui a bien identifiĂ© les idĂ©aux Ă©ducatifs de l’un et de l’autre, souligne volontiers : “Chez Papa, on mange tout le temps des pizzas” ou “Chez Maman, je peux regarder la tĂ©lĂ© comme je veux”. Mieux vaut ne pas s’engouffrer dans des reproches indignĂ©s mais couper court en disant plutĂŽt, comme RaphaĂ«l : “Ah, ben c’est cool, la semaine prochaine, tu pourras le faire alors !” Et expliquer sans craindre de se rĂ©pĂ©ter qu’il y a des rĂšgles diffĂ©rentes chez Papa et Maman.

Finalement, tout cela participe d’une mĂȘme attitude, que rĂ©sume bien ChloĂ©, qui a su conserver une bonne relation avec son ex : “Je me dis : on s’est trouvĂ© de l’intĂ©rĂȘt au point d’avoir un enfant ensemble. Il faut garder ça en mĂ©moire.” Et ainsi, respecter et faire confiance Ă  son ex-partenaire. “MĂȘme si c’est difficile, mĂȘme si tout se mĂ©lange dans notre tĂȘte, conseille Pauline, il faut se forcer Ă  distinguer l’ex-amoureux et le parent de notre enfant.” Cette Ă©preuve peut aussi ĂȘtre l’occasion de dĂ©marrer ou d’approfondir un travail sur soi qui nous aidera, nous et nos enfants.

“Quand les parents se sĂ©parent”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d’Api, n° 639, mai 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Pascal LemaĂźtre.

Témoignages de parents

Clémence
“Je me suis sĂ©parĂ©e du papa de mon fils lorsque ce dernier avait 3 ans. Aujourd’hui, il en a 7. Nous le lui avons annoncĂ© ensemble, nous avions beaucoup rĂ©flĂ©chi et notre souhait principal, c’était de le dĂ©culpabiliser. Je ne sais pas ce qu’il a compris de cette conversation. Il n’a pas pleurĂ©, ni montrĂ© d’émotion particuliĂšre. Nous sommes tous deux enfants de parents divorcĂ©s, et ça nous a donnĂ© une sensibilitĂ© particuliĂšre Ă  ce qu’il pouvait ressentir et aux questions qu’il pouvait se poser. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, nous avons une bonne relation parentale. D’ailleurs, il nous arrive parfois de dĂ©jeuner tous les trois.”

Coralie
“Ma fille avait 2 ans lorsque nous nous sommes sĂ©parĂ©s. Elle avait eu le temps de ressentir la mĂ©sentente entre nous. À l’époque, elle n’a pas eu de rĂ©action particuliĂšre. Aujourd’hui, elle a 5 ans, et elle me renvoie que je suis la mĂ©chante, que son papa est triste Ă  cause de moi, que j’ai cassĂ© sa famille. C’est dur. Son pĂšre a beaucoup de mal Ă  accepter cette sĂ©paration. La communication entre nous est trĂšs conflictuelle. Nous n’avons pas du tout les mĂȘmes exigences sur le cadre, les horaires : l’écart est grand et c’est difficile pour elle. Le jour de la transition, en particulier
”

Pauline
“Mon fils avait 15 mois quand nous nous sommes sĂ©parĂ©s. À chaque Ă©tape, on lui a expliquĂ© ce qui se passait, mais ce n’était pas un Ă©change : il Ă©tait encore trop jeune pour cela. Aujourd’hui, il a 3 ans, et il pose beaucoup de questions : pourquoi Papa et Maman n’habitent pas ensemble ? Pourquoi Papa n’est pas l’amoureux de Maman ? Nos rĂ©ponses ne doivent pas lui suffire, car il continue de poser ces questions. Par exemple, quand je lui dis qu’on se disputait trop, il me dit : “Faut pas se disputer.” Entre son papa et moi, ça se passe trĂšs bien : on a rĂ©ussi Ă  faire la diffĂ©rence entre l’ex et le parent, et ça, c’est le principal.”

Raphaël
“Nous nous sommes sĂ©parĂ©s il y a un an, quand notre fille avait 4 ans. Ça aurait pu ĂȘtre conflictuel, mais la prĂ©sence de l’enfant nous a obligĂ©s Ă  prendre sur nous et Ă  maintenir un discours d’une seule et mĂȘme voix. En terme de maturitĂ©, c’est trĂšs fort. J’éprouvais une grande colĂšre, mais j’ai tout de suite identifiĂ© son pouvoir de nuisance, et je l’ai mise de cĂŽtĂ© pour qu’elle n’impacte pas ma relation avec mon enfant. Ça n’est pas simple : il faut gĂ©rer le chagrin d’amour, le chagrin d’une certaine reprĂ©sentation de la vie de famille, et renouveler sa relation avec son enfant.”

 

Des livres pour aller plus loin

“Quand les parents se sĂ©parent”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d’Api, n° 639, mai 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Pascal LemaĂźtre.

Avec les enfants

‱Sur mon fil, de SĂ©verine Vidal et Louis Thomas, Milan, 13,90 â‚Ź.

‱La grande aventure du Petit Tout, d’AgnĂšs de Lestrade et Tiziana Romanin, Sarbacane, 15,50 â‚Ź.

‱Mon papa et ma maman se sĂ©parent, de Sophie Furlaud et Laurent Simon, Casterman, 10,90 â‚Ź.

Pour les adultes

‱Une semaine chez Papa, une semaine chez Maman, Comment aider votre enfant, de Claire Wiewauters et Monique Van Eyken, De Boeck, 19,95 â‚Ź.

“Quand les parents se sĂ©parent”, supplĂ©ment pour les parents du magazine Pomme d’Api, n° 639, mai 2019. Texte : Anne Bideault. Illustrations : Pascal LemaĂźtre. Chiffres : (source INSEE, 2015)

Couverture du magazine Pomme d'Api n°639, mai 2019, et son supplément pour les parents.

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