Les enfants ont une relation particulière avec les animaux. Pour comprendre ce qu’elle leur apporte, le magazine Pomme d’Api fait le point avec trois spécialistes (vétérinaire, psychologue, médiatrice). À lire avant d’accueillir, ou pas, un animal de compagnie à la maison…
1. Pourquoi cette relation particulière entre les jeunes enfants et les animaux ?
L’avis du vétérinaire, Guillaume Mezan de Malartic : “Ils ont un peu le même langage. Quand mes enfants étaient petits, je repérais des comportements analogues à ceux de certains animaux, que j’avais étudiés en éthologie : le groupe de lionceaux, la meute de loups… Quand je les comparais, cela faisait bondir ma femme ! Mais j’en suis persuadé : on a gardé un côté animal assez profond, qui s’exprime nettement chez l’enfant. Si bien qu’il a une communication naturelle avec l’animal.”
L’avis de la psychologue, Sandie Belair : “Comme l’animal, le jeune enfant est encore très proche du langage non verbal : ça passe par les sens et les émotions. Comme l’animal, il est aussi soumis au cadre établi par les adultes (il y a des règles), on l’emmène chez le docteur… Ça rapproche !”
2. Qu’apporte cette relation avec les animaux à mon enfant ?
L’avis de la psychologue : “Cette relation lui offre un lien avec un autre, différent, et développe ainsi son empathie. Et puis l’animal ne porte aucun jugement, ne trahit jamais, on peut se confier à lui, se blottir contre lui : l’enfant est accepté tel qu’il est. Cette relation extrêmement sécurisante renvoie un grand soutien affectif et consolide l’estime de soi. Elle aide au développement cognitif aussi.”
L’avis de la médiatrice Valérie Vogel, présidente de l’association de médiation animale Ther’Arc-en-ciel : “Quand je travaille en médiation animale avec des enfants, mon objectif principal est qu’ils gagnent en confiance. Mais je constate que s’occuper d’un lapin, d’un cochon d’Inde, d’un chinchilla… développe aussi leur motricité fine et les tranquillise.”
3. À partir de quel âge un enfant peut-il prendre soin d’un animal de compagnie ?
L’avis du vétérinaire : “Si le parent est derrière, un enfant peut être associé aux soins dès 5-6 ans, mais il n’est pas capable dès le début d’en avoir la responsabilité complète. Il va vivre avec lui, partager des jeux, des câlins, bref, l’intégrer dans le cadre familial. Leur rapport évoluera avec leur maturité.”
4. Un animal n’est pas un jouet. Comment le faire comprendre à mon enfant ?
L’avis du vétérinaire : “L’arrivée d’un animal est une bonne occasion éducative pour expliquer à son enfant que les plaisirs s’accompagnent de contraintes : on peut s’amuser, jouer avec l’animal, mais on doit le respecter, le nourrir, vérifier qu’il a à boire, prendre soin de lui… Cette responsabilisation me semble très enrichissante pour l’enfant !”
L’avis de la médiatrice : “Il faut parler à l’enfant : l’animal a des émotions, il peut avoir mal… Je m’attarde, par exemple, sur la queue, en expliquant qu’elle fait partie de sa colonne vertébrale. Et je rappelle aux parents qu’il ne faut jamais laisser un tout-petit seul avec un animal.”
5. Que faire si un enfant a peur des chiens ?
L’avis du vétérinaire : “L’enfant est naturellement attiré, et la peur n’est là que si les parents appréhendent la morsure, ou même la relation, en ne cessant de s’inquiéter et de crier : « Attention ! » Mais je le rappelle souvent lors de mes consultations : un animal reste un animal, source potentielle de danger. Le chien est physiologiquement un loup !”
L’avis de la médiatrice : “Il faut montrer à l’enfant comment se comporter avec un animal : rester statique, ne pas s’enfuir en courant ou pédaler de plus en plus vite sur son vélo (ce sont les proies qui font ça). Si la peur est telle qu’elle fait prendre des risques à l’enfant (il se précipite sur la chaussée dès qu’un chien passe sur le trottoir), des séances de médiation peuvent s’envisager.”
6. Que faire si un enfant est trop confiant avec les animaux ?
L’avis de la médiatrice : “Les morsures surviennent le plus souvent en famille, sur les bambins qui atteignent la taille du chien mais continuent de le considérer comme une grosse peluche. Les parents ne se méfient pas, ils se disent : « C’est le chien de la famille, on a confiance ! » Or ils doivent apprendre à leur enfant à décrypter les signes de malaise chez le chien : il baille, il s’éloigne, grogne, montre les dents… Quant aux animaux qu’on ne connaît pas, il ne faut pas les toucher sans autorisation, ne pas faire de gestes brusques, mais se laisser renifler, puis approcher sa main par le bas et non au-dessus de la tête…”
7. Comment sensibiliser nos enfants à la cause animale ?
L’avis de la psychologue : “S’émerveiller devant un être vivant suscite l’envie de le protéger. C’est un mécanisme psychologique très prégnant. Plus on amène les enfants à s’émerveiller devant la nature, plus on les sensibilise à une espèce, plus ils ont de contacts avec elle, plus ils seront enclins à en prendre soin.”
8. Et quand l’animal meurt ?
L’avis de la psychologue : “La mort de l’animal domestique est souvent le premier deuil que les enfants connaissent. Au fil des années, la présence de l’animal permet d’évoquer avec eux des sujets délicats : la sexualité, la maladie, le vieillissement, la mort. Il est primordial d’utiliser les vrais mots – « il est mort » – et de leur offrir un rituel de deuil : une bougie, une photo, un dessin… Dans mon cabinet, j’ai placé une photo de mon chien, Dubaï, que les enfants avaient l’habitude de voir. Ça les autorise à poser des questions, c’est important.”
9. Quelles sont les conditions à savoir et les contraintes à bien évaluer pour accueillir un animal de compagnie à la maison ?
L’avis du vétérinaire : “Moi, j’ai du mal à imaginer une vie sans animal. Ceci dit, tout le monde ne peut pas en avoir un. Car il faut de l’envie, du temps à lui consacrer, de l’attention à lui porter, un budget pour les soins et la nourriture, de l’espace (surtout pour un chien). Un animal à la maison, ça change forcément la vie ! Ce n’est pas une console de jeux mais un être vivant, avec ses besoins et sa sensibilité : il faut le sortir, même quand il pleut, et savoir ce qu’on en fait quand on part en vacances.”
10. Chez nous, impossible d’accueillir un animal. Comment offrir, quand même, cette rencontre à mon enfant ?
L’avis du vétérinaire : “C’est sûr, c’est plus facile à la campagne ! Si on veut avoir un contact physique avec un animal (le prendre, le toucher…), on peut aller donne un coup de main à la SPA, se rendre dans un centre équestre…”
L’avis de la psychologue : “Les fermes pédagogiques sont un bon compromis ! Elles permettent d’observer, de toucher, de nourrir des animaux familiers, souvent au cœur des villes.”
Nos experts
• La médiatrice. Valérie Vogel préside l’association de médiation animale Ther’Arc-en-ciel, dans le Bas-Rhin. Avec son équipe, elle anime des séances de prévention des morsures dans les maternelles ou les accueils de loisirs. Elle apprend aux enfants à décrypter les attitudes du chien.
• Le vétérinaire. Guillaume Mezan de Malartic est vétérinaire dans le Loir-et-Cher. Enfant, il habitait Paris et ne rêvait que d’une chose : avoir un chien. Dans sa clinique, il prête toujours attention à ce que disent les enfants sur leur animal de compagnie. Des observations souvent précieuses !
• La psychologue. Sandie Belair est psychologue et psychothérapeute. Pendant longtemps, son chien, Dubaï, accueillait les patients avec elle. À Bordeaux, elle a fondé Résilienfance, une association d’aide à l’enfance par la médiation animale. Avec Boris Cyrulnik, elle a dirigé l’ouvrage L’enfant et l’animal, une relation singulière (éditions Philippe Duval, 2020).
Pour aller plus loin
Programme d’éducation à la connaissance du chien et au risque d’accident par morsure (Peccram). De nombreux éducateurs canins ou médiateurs animaliers proposent des séances de Peccram, mais il n’existe pas d’annuaire national.
Fermes pédagogiques. Faire une recherche par région ou par département. Le réseau Bienvenue à la ferme en recense un bon nombre, mais il n’est pas exhaustif.
Le mouvement “On est prêt”. Ce mouvement parie sur le fait que nous protégeons ce que nous aimons, et nous aimons que ce que nous connaissons ! Faites le quiz et découvrez l’animal totem de votre famille.