Pour Stéphanie Roussel, spécialiste de l’apprentissage des langues*, l’important pour les plus jeunes enfants, c’est l’entraînement de l’oreille aux autres sonorités que celles de sa langue maternelle.
C’est vrai que les Français sont nuls en langue ?
Ce qui est vrai, c’est qu’en français les syllabes sont souvent prononcées toutes avec la même force. Ce qui rend peut-être plus difficile à la fois la production et la compréhension de langues dans lesquelles la longueur ou l’accentuation des voyelles peuvent être discriminantes, comme c’est le cas en anglais, par exemple. Il y a cependant des choses bien plus difficiles à apprendre !
C’est vrai qu’en grandissant notre oreille n’est plus capable d’entendre tous les sons ?
Oui, différents travaux ont montré que notre “surdité” aux sons étrangers s’installe très tôt. L’oreille du nouveau-né est très rapidement habituée aux caractéristiques spécifiques de sa langue.
Qu’est ce qui fait que l’apprentissage d’une langue étrangère peut-être plus facile s’il est commencé tôt ?
Il y a une aisance qui est plus propice aux apprentissages des langues étrangères chez les jeunes enfants que chez les adultes. Cela dit, apprendre une L2 (seconde langue étrangère) tardivement n’est pas rédhibitoire. Les étudiants ou les adultes, motivés par un projet d’études ou professionnel, y parviennent !
L’apprentissage précoce des langues étrangères se met en place dès la fin de la maternelle en France, de manière très inégale. Selon vous quel est son intérêt ?
Dans le cadre scolaire, quand les enfants sont exposés – au mieux – une ou deux heures par semaine à l’anglais, l’objectif et l’intérêt des séances, c’est l’exercice de l’oreille à l’audition de sons étrangers, le développement de la curiosité et du plaisir des sonorités.
Quelles sont les meilleures façons d’exercer l’oreille des jeunes enfants et de leur donner le goût des sonorités ?
Les comptines, les chansons, les histoires, les jeux donnent aux enfants l’occasion de découvrir et de se familiariser avec les sonorités d’une autre langue sans qu’ils en aient forcément conscience. Ils chantent, ils jouent avec les sons. Cela peut être très utile et avoir un impact sur leur apprentissage, à condition que ces activités soient régulières et répétées.
Propos recueillis par Odile Amblard
*Stéphanie Roussel est enseignante chercheuse à l’Université de Bordeaux. Avec Daniel Gaonac’h, elle est l’auteure de L’apprentissage des langues (collection Mythes et Réalités, éditions Retz). Ce livre part des idées les plus courantes (“les Français sont nuls en langues”, “il faut commencer le plus tôt possible”, “il faut regarder des émissions en v.o”, etc) et y apporte les réponses de la recherche scientifique.