De récentes études scientifiques montrent qu’un climat éducatif doux et bienveillant favorise le bon développement émotionnel et cérébral des enfants. Comment, au quotidien, cultiver cette douceur ? Explications et conseils dans le supplément pour les parents du magazine Pomme d’Api.
Le premier cadeau offert à un enfant
“Offrez-vous un moment de douceur dans un monde de brutes”… Il y a quelques années, ce slogan publicitaire pour une marque de chocolat faisait rire les salles de cinéma. Aujourd’hui, cette formule est devenue un classique. Sans doute parce qu’elle rappelle une vérité évidente : nous avons – de plus en plus – besoin de douceur.
Les parents le savent mieux que quiconque. C’est le premier cadeau qu’ils font à leur enfant dès les premiers instants de sa vie. Douceur de la peau maternelle sur laquelle on pose le nouveau-né pour apaiser ses premiers cris, douceur du regard de son père, douceur des premiers vêtements choisis pour être les plus agréables possible. “La vie dépose en nous la douceur dès l’origine”, écrivait joliment la philosophe Anne Dufourmantelle (Puissance de la douceur, Payot).
Mélanie, mère de trois enfants de 3, 5 et 9 ans, a “percé le mystère” de cette douceur originelle : “Pour être doux, il faut être deux ! Difficile d’accueillir un geste de douceur d’un enfant sans fondre soi-même…” Quand le petit enfant court la chercher au creux de l’épaule de sa mère, celle-ci, tout occupée qu’elle puisse être, se fera la plus douce possible, non ? À travers leurs enfants, les parents ont sous les yeux cette dimension prodigieuse de la douceur : sa puissance de réciprocité. Ainsi, si l’on s’efforce d’accueillir les colères des petits sans perdre notre calme, il y a de fortes chances pour que cela suffise à les apaiser. Si l’on crie, les oreilles des petits ont mystérieusement tendance à se boucher.
De la douceur avant toute chose
On a bien raison de vouloir cultiver cette douceur qui a enveloppé les enfants dès les premiers jours ! En effet, de plus en plus d’études scientifiques nous expliquent combien le contact doux avec un enfant est précieux pour son développement émotionnel et cérébral. “Élever un enfant dans la douceur est tout sauf anodin : c’est vital pour sa croissance”, explique la pédiatre Catherine Guéguen. Les récentes recherches des neurosciences montrent ainsi que le calme influence positivement le cerveau des petits. “Un climat éducatif doux et bienveillant modifie en profondeur le cerveau affectif et cognitif des enfants”, souligne Catherine Guéguen. On le sait aujourd’hui : les gestes tendres et le respect facilitent les apprentissages, la mémorisation, la motivation, la résistance au stress, le bien-être… “La douceur fait grandir”, résume la psychothérapeute Delphine Remy (Être un parent bienveillant, Eyrolles).
Oui, mais… Cette douceur si précieuse n’est guère évidente à cultiver tous les jours. Garder son calme est tout particulièrement une gageure quand on est les heureux parents d’enfants de moins de 7 ans. Car avant cet âge, leurs cerveaux ne sont pas totalement matures : ils n’ont pas la capacité de faire face à leurs émotions et réagissent fréquemment par d’impressionnantes tempêtes émotionnelles… Si, si, les crises au supermarché ou chez la nounou s’expliquent (aussi) comme cela ! Et puis, notre “monde de brutes” évoqué dans le slogan publicitaire est de plus en plus… brutal. Pas facile de résister par la sérénité au tourbillon du quotidien et aux exigences de performance et de réussite. Qui iraient presque jusqu’à nous faire considérer les doux comme des mous. Or les spécialistes sont unanimes : douceur ne signifie pas laisser-aller.
“Le doux ne dit pas “oui” à tout, mais pose un cadre sans humilier l’enfant, ni verbalement ni physiquement”, souligne Catherine Schmider, formatrice certifiée en communication non violente (auteur de l’article sur la CNV dans Le grand dictionnaire de la petite enfance, Dunod). “La douceur ne signifie pas absence de limites”, s’insurge Catherine Guéguen (dernier livre paru : Heureux d’apprendre à l’école, Les Arènes).
Petits rituels de douceur
Puisque le monde n’est pas tendre avec la douceur, il revient donc à nous, parents, de la convoquer. Imaginons de doux rituels de complicité avec notre enfant : s’asseoir en silence à côté de son petit pour l’observer, prendre le temps d’aller acheter la baguette de pain avec l’aîné tout en papotant en chemin, déguster ensemble deux carrés de chocolat “en cachette” dans la cuisine…
Câlins, caresses…
N’oublions pas cette évidence : la douceur se cultive en premier lieu par des gestes. Alors ne soyons pas avares de câlins. S’asseoir à côté d’un enfant qui pleure, tenir la main du petit qui a peur, masser le ventre de celle qui a mal, sont des moments précieux où la douceur rassure, soigne et apaise. Et tisse un lien fort de confiance entre le parent et l’enfant. Comme une empreinte indélébile dans le cœur de l’enfant. “Avec mes deux fils, nous avons inventé un moment spécial : “faire le dos” avant de dormir. Dans l’obscurité, je caresse doucement leur dos avant qu’ils s’endorment. Ils adorent !”, confie Thibault, 41 ans.
Inventons et cultivons des mots doux bien à nous et des surnoms tendres et cajolants. Un peu mièvre, tout ceci ? Pas tant que ça. “Cela fait des millénaires qu’on place l’autorité et les interdits au centre de l’éducation. Défendre la place prépondérante de l’empathie et du soutien représente donc une véritable révolution éducative”, souligne Catherine Guéguen. Du coup, élever des enfants par la douceur dépasse l’évidence des gestes : c’est une attitude globale de chacun.
Celle des adultes, d’abord. Pour ne pas céder à la facilité de la colère, apprenons à accueillir nos propres émotions. “Quand je rentre le soir, alors que les enfants courent partout, j’essaye parfois de décrypter ce qui m’énerve : est-ce la fatigue ? Est-ce le bruit ? La solution est alors de leur demander d’aller jouer dans leur chambre. Ou alors je tente de m’isoler quelques minutes…”, confie Christelle, 3 enfants, qui s’est formée à la communication non violente (CNV).
Delphine Remy conseille, au moment où l’on rentre de son travail, de s’interroger, même juste quelques secondes (consciente que l’on fait ce que l’on peut !) : “Combien de temps puis-je aujourd’hui offrir à mon enfant, sans consulter mon smartphone, mettre le feu sous la soupe ou rédiger mentalement la note pour le bureau demain ?”
Décoder ses émotions
Comment aider les petits à faire face à leurs émotions ? Dans l’écoute empathique, l’un des outils prônés par la communication non violente, la règle est de se mettre en situation de capter ce que l’enfant ressent, sans rationaliser ni lui poser de questions. Catherine Schmider témoigne : “Si mon fils casse un verre, au lieu de lui crier : “Qu’est-ce que tu as fait ?” Je l’aide à mettre un mot sur ce qu’il ressent. Es-tu triste, inquiet, honteux… ?” Il y a fort à parier qu’apprenant ainsi à décoder ce qu’il ressent, il n’aura pas besoin de l’exprimer de façon douloureuse et tumultueuse. “La douceur permet de nous relier à ce qu’il y a de plus profond en l’enfant”, souligne la formatrice en CNV. Avec les cris, l’agressivité ou l’indifférence, on “coupe le contact” avec lui. Difficile, tout cela ?
Si vous pensez que vous ne saurez pas faire, observez votre enfant : il demande instinctivement de la douceur. Oui, oui, même celui qui s’agite sans arrêt devant vous. Car “la douceur est le nom secret de l’enfance”, comme l’écrivait Anne Dufourmantelle. Lancez-vous, car il est rare qu’un enfant réponde par la rudesse à un geste de douceur – à moins qu’il soit ado, mais là, ça ne compte pas : cela veut simplement dire qu’il apprend à se détacher… tout doucement !
Deux idées de moments calmes à partager…
•La respiration avec la paille
Chacun, parent et enfant, prend un verre et une paille. On met un peu d’eau dans chacun des verres. Hors du verre, chacun des deux inspire de l’air profondément dans la paille. Puis, dans le verre, on expire doucement, le plus longuement possible, en essayant de faire des bulles au fond du verre…
D’après une idée de la sophrologue Laura Caldironi, auteur de Aider son enfant à se recentrer et à revenir au calme, Larousse, 2018, 64 p., 5,95 €.
•Le massage de la douceur
On frotte ses mains l’une contre l’autre pour qu’elles se réchauffent. On masse chaque doigt délicatement. On fait une caresse à son front, ses tempes, ses joues. Puis à partir de son menton, on caresse son cou jusqu’à la nuque, en passant par les oreilles. Et on remonte dans le cuir chevelu en appuyant un peu plus fort.
D’après une idée de Clarisse Gardet, enseignante à l’École occidentale de méditation (Paris), auteur de Grandir avec ses émotions, Livre de Poche, 2018, 192 p., 16,20 €.
Des ateliers pour les parents
Les ateliers “Déclic en famille” s’adressent aux parents et grands-parents qui veulent se sensibiliser à la communication non violente (CNV) dans une perspective éducative. Ce sont des modules de 4 ou 6 séances de 2h30, qui ont lieu dans toute la France.