Quelle est la mission principale de l’école maternelle ? Qu’est-ce qui pourrait être amélioré ? Au printemps 2018, se sont déroulées les “Assises de la maternelle”. Deux jours de colloque pour “clarifier le rôle de l’école maternelle dans le système éducatif”, et se poser les bonnes questions Découvrez les réponses, toujours d’actualité, du magazine Pomme d’Api. À lire avant la rentrée !
1 – Rassurer l’enfant
Du haut de ses 5 ans, Sara jette un regard presque attendri sur ses peurs de “petite” : “Quand j’étais en petite section, j’avais peur, mais la maîtresse, elle m’a prise par la main, et elle a joué avec moi.” Aujourd’hui, Sara est très à l’aise en grande section, et elle abordera sereinement le CP, à la prochaine rentrée. Ses années de maternelle ont rempli leur mission. Cette mission, Isabelle Racoffier, présidente de l’Association générale des enseignants des écoles et classes Maternelles publiques (Ageem), la résume d’une phrase : “Rassurer l’enfant pour lui permettre de s’épanouir et ainsi mieux apprendre.”
Comme le résume le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, qui présidait les Assises de la maternelle : “La qualité intellectuelle n’est pas une qualité cérébrale, mais une qualité relationnelle.” Pour cette raison, un enfant qui vit dans une négligence affective, dans un climat de violence conjugale ou de précarité sociale, risque d’être trop insécure pour se lancer sereinement dans les apprentissages. Le rôle des professionnels de l’école maternelle (enseignants et Atsem) est alors fondamental, car en s’efforçant de créer un climat affectif propice, ils contribuent à compenser les inégalités dues aux circonstances familiales. Boris Cyrulnik l’affirme : “Lorsqu’on organise bien la relation entre adultes et enfants, ces derniers améliorent leurs performances.”
2 – Ralentir pour s’épanouir
Ne soyons pas trop pressés ! “Notre système scolaire, dénonce Boris Cyrulnik, encourage le sprint et élimine les coureurs de fond, ceux qui ont un rythme de développement plus lent.” Le neuropsychiatre évoque les pays du nord de l’Europe, qui ont adopté une “stratégie éducative et affective” différente. “Là-bas, décrit-il, on les sécurise, on les ralentit. Ils apprennent à leur rythme, ils prennent confiance.” À l’âge de 15 ans, leur épanouissement humain est “admirable” et leurs performances scolaires sont parmi les meilleures du monde.
3 – Jouer pour mieux apprendre
Jouer, faire de la pâte à modeler, de la peinture, chanter… Voilà ce qu’aiment les enfants de grande section. Quoi ? Mais ils ne font donc rien de “sérieux” ? Nombreux sont les adultes qui ont cet a priori sur les activités réalisées à la maternelle : ils rêveraient qu’elle soit plus scolaire et qu’on se focalise sur les apprentissages formels. Mais les textes officiels insistent sur les dimensions sensorielles, sociales, affectives, motrices et artistiques. À 4 ans, on n’apprend pas comme au collège ! “On nous renvoie souvent l’idée que le jeu, ce n’est pas rigoureux, s’agace Isabelle Racoffier. Mais ce n’est pas parce qu’on joue qu’on n’apprend rien, au contraire !” Ainsi, lorsque les enfants endossent tour à tour le rôle du Petit Chaperon rouge, puis du loup, puis de la grand-mère, ils construisent des images mentales qui leur permettent d’intégrer le scénario du conte et sa dimension symbolique.
Les disciplines artistiques sont aussi très précieuses. Les effets de la musique sur les compétences en français et en mathématiques, sur la mémoire et la coordination, ont été scientifiquement mesurés. Sans oublier le travail en groupe et le respect de l’autre. Et tout cela ne se consigne ni dans un cahier, ni dans une fiche à réaliser assis à une table !
4 – Parler, parler, parler
Boris Cyrulnik rappelle : “Ce sont les mots qui servent de tuteurs au développement des enfants.” L’enseignant de maternelle leur fait vivre des expériences sensorielles, motrices, artistiques, symboliques, scientifiques… Souvent, les enfants vont procéder par tâtonnements, essais-erreurs, répétitions. Et tout sera prétexte à en parler avec un adulte : “J’écoute, je questionne, je reformule, je renchéris, je confirme, explique Isabelle Racoffier. C’est comme ça que le langage, la syntaxe, puis la pensée et le savoir, se construisent.” Poser des questions sur une peinture, sur une création en pâte à modeler, tout cela, c’est plonger l’enfant dans un bain langagier essentiel.
5 – Rencontrer les autres
Inscrire son enfant à l’école maternelle, c’est le confier à l’institution et le faire passer d’une culture familiale à une culture plus universelle. À l’école, l’enfant va ainsi développer une existence bien à lui, qui échappe au regard des parents. C’est important ! Il va y côtoyer des pairs, avec lesquels il pourra nouer des amitiés et… des inimitiés. L’école lui ouvrira aussi la porte vers un monde que la famille ne fréquente pas forcément, ou du moins différemment : “On va à la mé-dia-thèque”, s’applique Lana. “Et aussi, au cinéma”, ajoute Baptiste, les yeux pétillants. “On a fait une excursion en car, se souvient Elena. On est allés dans un parc et dans un musée.”
Les moments clés de la rentrée
Avant la rentrée…
• Pensez au poids des mots. Promettre à son enfant que “ça va être génial !” pourrait créer une grosse déception si ses attentes sont déçues.
• Certes, votre enfant est “grand”, mais pour les rentrées clés (petite section, CP), il sera “petit” dans l’école.
• Invitez-le à plus d’autonomie : manger seul, s’habiller, mettre ses chaussures…
• Il n’est pas tout à fait “propre” ? Pas d’inquiétude : l’effet d’entraînement joue beaucoup !
Le jour J
• Prévoyez un peu de temps : le plus souvent, les parents sont conviés à entrer dans la classe.
• Et dites clairement : “À tout à l’heure !” à votre enfant, en lui expliquant qui vient le chercher et à quelle heure.
Après la rentrée…
• Le deuxième jour est parfois plus délicat que le jour J. L’enfant sait à quoi s’attendre et en particulier à votre absence.
• N’hésitez pas à raconter à l’enseignant ou à l’Atsem tout ce qui vous préoccupe ou préoccupe votre enfant.
• Laissez votre enfant raconter à sa guise… ou rester muet. L’école, c’est son jardin secret !
• Enfin, rassurez-vous : “Au bout d’une semaine complète, il n’y a souvent plus de pleurs”, raconte une enseignante de petite section.
Pomme d’Api vous aide à préparer la rentrée de votre enfant en maternelle. Découvrez sur notre site comment l’accompagner au mieux lors de cette grande étape !
- La première rentrée de votre enfant en 10 questions-réponses
- Les mots nouveaux de l’école expliqués aux enfants
- L’abécédaire de la rentrée
“Assises de la maternelle” : l’école maternelle, pour “se préparer à apprendre”
Des “Assises de la maternelle”, les médias ont surtout retenu l’annonce de l’école obligatoire à partir de 3 ans… Mais cela changera peu de choses, puisque 97 % des enfants français de moins de 6 ans sont déjà scolarisés, soit bien plus que dans d’autres pays. Pourtant, à en croire les évaluations comparatives internationales, le système scolaire français semble moins efficace que d’autres. Par exemple, en compréhension de l’écrit, les enfants français de CM1 ont presque les moins bons résultats de l’Union européenne (enquête Pirls). [L’étude internationale Pirls 2016 mesure les performances en compréhension de l’écrit des élèves de CM1.]
Les Assises ont insisté sur le rôle préparatoire de la maternelle. Il ne s’agit pas d’avancer l’âge des apprentissages formels (lecture, écriture, calcul) en calquant la maternelle sur l’école élémentaire. Au contraire, “se préparer à apprendre” passe plutôt par l’acquisition d’aptitudes sociales et émotionnelles. Pour cela, il faudrait commencer par…
• Donner les moyens à l’école maternelle. Alors qu’on compte un enseignant pour 22 enfants dans les maternelles françaises, la moyenne européenne est à… 13 enfants.
• Proposer aux enseignants et aux futurs enseignants une formation spécifique : les trois années de maternelle représentent plus d’un tiers de la scolarité primaire, mais peu d’heures de formation sont consacrées aux spécificités de l’enseignement à des enfants de 3 à 6 ans.
- Toutes les vidéos des Assises sont consultables sur le site education.gouv.fr