L’esprit de Maria Montessori souffle sur Pomme d’Api depuis sa création, il y a plus de 50 ans. Le supplément pour les parents du numéro d’octobre lui consacre son dossier et fait le point sur la “méthode Montessori”… dont on parle beaucoup sans toujours savoir précisément en quoi elle consiste !
Montessoqui ? Montessoquoi ? Montessori !
Comment le nom d’une Italienne, médecin et pédagogue, disparue au début des années 1950, se retrouve-t-il sur les lèvres de nombreux parents du XXIe siècle ? Car Maria Montessori et sa fameuse méthode semblent présentes partout : des écoles qui portent son nom aux tables des librairies qui regorgent d’ouvrages, en passant par les rayons des magasins qui proposent son matériel… Impossible, quand on est jeune parent, d’échapper au phénomène.
“Depuis une dizaine d’années, dans l’esprit de beaucoup de parents, Maria Montessori apparaît comme une promesse de mieux”, estime notre collaboratrice Anne Bideault, également rédactrice en chef de “L’enfant et la vie”, journal fondé en 1969 pour faire connaître la pensée Montessori en France. Mais cette promesse demeure souvent floue. “Par la force des choses, à la télévision, dans les journaux, je vois passer beaucoup de contenus sur Montessori, reconnaît Alix, maman de Marceau, 3 ans, et Camille, 1 an. Mais de là à définir clairement de quoi il retourne… Pour moi, il s’agit de permettre à son enfant de développer son autonomie, non ?”
Alix a tout bon. En effet, l’engouement suscité par Montessori a parfois un peu dévoyé son propos. “Certains en parlent aujourd’hui en termes de performance, regrette Anne Bideault. Savoir lire à 5 ans, compter à 4 ans et demi… Alors que Maria Montessori parle épanouissement personnel, capacité de l’enfant à devenir lui-même, avec, comme grand projet sous-tendu, l’idée d’éduquer à la paix et au vivre-ensemble.” Pour ce faire, Maria Montessori part d’un constat de son époque : l’enfant est opprimé par un adulte plus fort que lui, qui dispose de lui et le contraint à s’adapter à son environnement. Une soumission, déplore-t-elle, “qui conduit à la négation de (sa) personnalité”.
Il va donc s’agir de tout révolutionner à la maison pour lui rendre toute sa place d’être humain à part entière. “Montessori considère que l’enfant nous montre, à nous éducateurs, ce dont il a besoin”, résume Charlotte Poussin, éducatrice Montessori, traductrice de son œuvre et membre du conseil d’administration de l’Association Montessori de France (AMF). “À nous d’élaborer un cadre adapté, structurant, dans lequel l’enfant sera le plus libre possible.”
Bien entendu, il n’est pas question – comme le souligne avec malice Charlotte Poussin – “de regarder tranquillement son enfant découper les rideaux du salon”. Mais de favoriser un intérieur où le petit pourra agir au maximum en autonomie (lire ci-dessous : “Vous faites du Montessori sans le savoir !”), en l’impliquant dans la vie quotidienne du foyer pour qu’il apprenne en faisant. Un environnement chaleureux, mais pas aseptisé, à l’instar des “Maisons des enfants” fondées par la pédiatre : le verre en vrai verre, les meubles qui font du bruit quand on les déplace… affinent sa maîtrise des mouvements et constituent autant d’expériences fondatrices.
Quant à nous, adultes, mieux vaut être dans une logique de proposition plutôt que dans une logique d’imposition. Ce qui ne représente pas la moindre des difficultés : “Nous avons tendance à être trop interventionnistes avec nos enfants, note Anne Bideault. Avec Montessori, il nous faut apprendre à nous tenir en retrait, à accepter de perdre du temps pour laisser notre petit faire les choses à son rythme.” À nous de trouver notre “seuil d’intervention”, comme le nomme Maria Montessori : “L’adulte doit dire et faire ce qui est nécessaire pour permettre à l’enfant d’agir seul utilement.”
Plus qu’une pédagogie uniquement tournée vers l’enfant, la méthode Montessori implique de vrais bouleversements dans les fonctionnements parentaux. C’est aussi ce qui la rend si passionnante : si le petit s’enrichit en faisant par lui-même, l’adulte gagne à lui concevoir ce cadre bienveillant. “Nous avons tous tendance à nous endormir sur les choses, écrit Maria Montessori, et il nous faut un être nouveau qui nous réveille et nous garde éveillés […], un être qui agit différemment de nous et qui chaque matin nous dit : “Regarde, il y a une autre vie, vis mieux!” Alors, prêts à vous lancer ?
Vous faites du Montessori sans le savoir !
Même si vous ne vous êtes pas plongé dans les ouvrages écrits par Maria Montessori, vous avez déjà fait du Montessori. La preuve par 10 (gestes et attitudes).
•Le jour où vous avez proposé à votre enfant un petit marchepied pour lui permettre d’atteindre sans difficultés l’évier de la cuisine ou le lavabo.
•Le jour où vous avez installé une patère à sa hauteur pour qu’il puisse accrocher lui-même son manteau.
•Le jour où vous avez décidé d’arrêter de ponctuer vos phrases de “Vite, vite !” et autres “Dépêche-toi !” agacés, conscient qu’il faut laisser votre enfant agir à son rythme.
•Le jour où vous avez installé dans sa chambre des espaces de rangement à sa hauteur : penderie basse, étagère basse
et petit casier pour ses chaussures et ses chaussons.
•Le jour où vous avez installé un lit bas dans sa chambre : une façon de lui permettre d’aller se reposer quand il est fatigué, et de gagner en autonomie le matin ou à la fin de sa sieste.
•Le jour où vous lui avez confié la tâche de couper un légume avec un vrai petit couteau, sous votre surveillance, au moment de préparer le repas.
•Le jour où vous avez décidé de remplacer le gobelet en plastique par un vrai verre, lors de ses repas.
•Le jour où vous lui avez donné un tablier, un petit balai, un joli chiffon coloré pour lui confier de menues tâches ménagères.
•Le jour où vous avez opté pour une garde-robe – vêtements comme chaussures – facile à mettre afin de permettre à votre enfant de s’habiller de façon autonome.
•Le jour où vous l’avez incité à faire un choix – entre deux desserts par exemple – pour éduquer sa capacité à choisir.
Jeux Montessori… comment choisir ?
En matière de matériel Montessori, l’offre est pléthorique. De Nature et Découvertes à Oxybul, les grandes enseignes se sont engouffrées dans la brèche pour proposer des jeux. D’accord, c’est tentant, mais comment faire le tri ? D’autant que le nom “Montessori” peut être utilisé par qui le souhaite, car il n’y a ni label, ni marque déposée…
Plusieurs critères peuvent permettre d’opérer une sélection.
• Le jeu doit traiter d’une seule chose à la fois.
Des cubes de tailles variées qui représenteraient chacun une partie de puzzle, ou des lettres rugueuses ornées de flèches mobilisent trop de facultés différentes pour l’enfant, censé se concentrer sur une tâche.
• L’esthétique importe aussi car, comme le souligne elle-même Maria Montessori dans ses écrits, “la beauté invite à l’activité”.
• Le parent, avant d’offrir le jeu, doit l’avoir manipulé auparavant, afin d’en maîtriser le fonctionnement et d’en proposer une démonstration. Mieux vaut s’être entraîné avant, surtout si l’activité est complexe, et vérifier que le jeu est fourni avec un livret explicatif !
• Enfin, ne surtout pas oublier qu’on “présente” le jeu à l’enfant, on ne le lui impose pas. À lui de décider du bon moment pour s’en emparer. À nous de le laisser faire sans nous montrer trop interventionnistes.
Petite biblio Montessori
Voici une sélection de livres pour se plonger dans l’univers Montessori.
•L’enfant dans la famille, Maria Montessori, Éditions Desclée de Brouwer, 17,90 €.
Une très bonne porte d’entrée dans l’univers de Maria Montessori. Dans ce recueil thématique – “De ma méthode en général”, “L’environnement de l’enfant” – elle explique de façon limpide les grands principes de sa pensée.
•L’enfant est l’avenir de l’homme, Maria Montessori, Éditions Desclée de Brouwer, 19,90 €.
Cet ouvrage inédit présente une série de cours que Maria Montessori a donnés en 1946. Un propos clair et visionnaire sur l’enfant et l’éducation.
•Apprends-moi à faire seul – La pédagogie Montessori expliquée aux parents, Charlotte Poussin, Éditions Eyrolles, 16,90 €.
Fine connaisseuse de l’œuvre de Maria Montessori qu’elle a notamment traduite, Charlotte Poussin propose un ouvrage qui se concentre sur les 3-6 ans, à l’école comme à la maison.
Quelques citations…
•“Il nous faut apprendre à nous maîtriser, nous tenir à l’écart, suivre l’enfant presque à distance, sans le fatiguer avec notre intervention, mais sans pour autant jamais l’abandonner.”
•“Il faut permettre à l’enfant de participer à notre vie.”
•“L’adulte qui n’a pas encore considéré l’activité de la main enfantine comme un besoin vital […] empêche l’enfant de travailler […]. La main permet à l’intelligence de se manifester.” Maria Montessori
“Montessori pour les nuls – Petit traité de pédagogie”, supplément pour les parents, Pomme d’Api, octobre 2017. Texte : Joséphine Lebard. Illustrations : Zelda Zonk.