Parentalité positive, communication bienveillante… En ce moment, sur Internet et dans les rayons des librairies, ces termes ont la cote. Méthode efficace pour les uns, laxisme pour les autres… : la rédaction de Pomme d’Api fait le point sur “l’éducation bienveillante” dans le supplément pour les parents du magazine de février. Nous vous proposons de lire l’intégralité de l’article.
Parents bienveillants, oui, mais… maladroits aussi !
Lors d’un dîner, un des invités renverse son verre. Qui d’entre nous oserait s’emporter contre lui en disant : “T’es vraiment maladroit ! C’est pas croyable !” De la même façon, à un collègue qui vient de prendre un nouveau poste, personne ne songerait à dire : “Attends, t’as fait la même erreur qu’hier, tu n’y arriveras jamais !” Or c’est souvent sur ce mode que nous nous adressons à nos enfants, alors que chez eux, tout n’est qu’apprentissage, tout n’est que premières fois.
Bienveillants vis-à-vis de nos enfants, pourtant, nous le sommes tous. Bienveillants, oui, mais… maladroits aussi ! Maladroits, lorsque nous disons par exemple : “Allez, allez, arrête de pleurer, c’est fini, t’as pas mal !” Ou lorsque nous parlons de notre petit de 3 ans en disant : “Il est terrible !” ou encore lorsque nous le secouons par le bras en criant : “Dis donc, qui c’est qui commande ici ?”
6 règles d’or et 6 formulations à bannir de notre vocabulaire pour une éducation bienveillante
Les recherches les plus récentes sur le cerveau humain ont prouvé qu’une éducation empathique et respectueuse permet au cerveau de se développer de façon optimale. À l’opposé, le stress, les humiliations, les violences verbales ou physiques peuvent modifier en profondeur un cerveau en construction et entraîner des troubles cognitifs (voir en fin d’article “Pour aller plus loin”).
Heureusement, nos maladresses quotidiennes peuvent se corriger, par petites touches et avec un peu d’entraînement. Car l’éducation bienveillante est avant tout une histoire d’attitude. Et s’il y a parfois des rechutes, ce n’est pas grave ! Avec Nadège Larcher, psychologue et formatrice à “L’Atelier des parents”, Pomme d’Api a retenu 6 règles d’or… et 6 formulations à bannir de notre vocabulaire, pour s’entraîner à être des parents encore plus bienveillants.
1 – Distinguer l’enfant de ses actes. Pour ne plus dire : “Tu es infernal !”
Jean a 4 ans. Lors d’un repas de famille, il verse le contenu de la salière dans son verre. Son grand-père réagit : “Tu ne fais vraiment que des bêtises ! Quel idiot !” Jean se fait tout petit sur sa chaise. Ce qu’il entend, c’est “Je suis nul.” Or, ce qui est incriminé, ce n’est pas lui, mais ce qu’il a fait. Il faut avoir la vigilance de distinguer les deux : “Ah, tu observes le sel se dissoudre dans l’eau ? C’est intéressant, hein ! Par contre, manger trop de sel n’est pas bon pour la santé, et je t’ai expliqué qu’il faut attendre la fin du repas pour jouer. Va jeter ton eau dans l’évier.”
Détail de langage ? Les conséquences sur l’estime de soi sont cruciales. Jean se sent respecté, car l’adulte considère sa curiosité naturelle et son aptitude à réparer ce qu’il a fait. À l’inverse, en utilisant sans nuances le verbe être (“Ma fille est capricieuse, mon fils est égoïste…”), on enferme les enfants dans une fausse vision d’eux-mêmes, qu’ils vont ensuite s’ingénier à confirmer. Pour faire court, un enfant “terrible” fera tout pour le rester.
2 – Fixer les règles à l’avance. Pour ne plus dire : “Combien de fois faut-il le répéter ?”
Alice et Marina ont 3 ans. Leurs parents sont invités avec elles à un apéritif. Arrivées chez leurs hôtes, les deux sœurs entament une course-poursuite autour de la table basse et escaladent les fauteuils. Leur papa se fâche très fort. Mais à bien y réfléchir, avait-il pris le temps, à l’avance, d’exprimer ce qu’il attendait de ses filles dans ce type de situation ? Elles ne pouvaient pas forcément le deviner.
Ce qui paraît évident aux adultes ne l’est pas toujours pour les petits. Et plutôt que de réagir alors que la “bêtise” a déjà été faite, il faut essayer de l’anticiper, en fixant les règles à l’avance : “Nous allons au supermarché. À l’intérieur, on marche tranquillement à côté du Caddie. Et quand vous insistez pour acheter des choses, cela me gêne.” Ou encore : “Pour te servir des jouets de ton frère, tu dois d’abord le lui demander.”
Vous avez l’impression de répéter toujours les mêmes consignes ? Normal ! Avant 6-7 ans, les enfants ne sont pas capables d’intégrer les règles définitivement.
3 – Exprimer les interdits de façon positive. Pour ne plus dire : “Ne crie pas !”
Faites le test. Au lieu de crier : “Ne cours pas !”, dites plutôt : “Marche !” Vous verrez, ça… marche ! Car dans l’injonction “Ne cours pas !”, un cerveau tout jeune entend avant tout le verbe courir : “cours !” Mieux vaut s’entraîner à dire ce que l’on a le droit de faire, plutôt que souligner ce que l’on n’a pas le droit de faire.
4 – Reconnaître les émotions de l’enfant. Pour ne pas dire : “Ce n’est rien !”
Elena a 3 ans. Depuis le retour de la garderie, elle est irritable. Et quand elle tombe dans le couloir, c’est la crise. Elle tempête, elle hurle, et tend les bras vers sa maman.
En quoi le classique : “Ce n’est pas grave, t’as pas mal !” serait-il consolateur ? Bien sûr que c’est grave, bien sûr qu’elle se sent mal ! Pourquoi nier son ressenti ? La prendre dans ses bras en constatant simplement : “Tu es tombée. Tu as mal. Tu pleures. Tu es en colère” lui prouve qu’elle est écoutée, comprise, respectée. Et… ses larmes sèchent beaucoup plus vite.
Cela vaut aussi pour nous : plutôt que d’exploser et jeter sa colère à la tête de l’enfant en hurlant : “Tu es impossible !”, parlons à la première personne, en nous contentant de constats et en rappelant les règles : “Je suis énervé de voir que tu continues de sauter sur le canapé. Le canapé est fait pour s’asseoir.”
5 – Ne pas voir d’intention là où il n’y en a pas. Pour ne plus dire : “Il me fait un caprice !”
Quand un de ses enfants se roule par terre, Gaëlle ne se demande plus s’il “fait un caprice” mais se pose d’autres questions : “Lequel de ses besoins n’est pas rempli ? Son besoin d’affection ? De repos ? Les règles n’étaient pas claires… ?”
Peu à peu, l’enfant apprendra à reconnaître et exprimer ses émotions et ses besoins. Pour les y aider, Lucie invite ses garçons à utiliser un code couleur, en choisissant des crayons : rouge, pour la mauvaise humeur, orange, pour la contrariété, vert, tout va bien. Au retour de l’école, cela lui permet de prendre la température sans grands discours.
6 – Être souple en maintenant le cadre. Pour ne plus dire : “C’est comme ça et pas autrement !”
«Quand un de mes fils ne voulait pas aller au bain, relate Lucie, avant, je disais : “Tu y vas tout de suite ou tu files dans ta chambre.” Maintenant, je dis : “Tu peux encore jouer, mais quand la grande aiguille sera sur le 3, tu vas dans le bain.» Cette alternative est acceptable pour tout le monde et elle a l’avantage de mettre l’enfant dans une position active.
Un point de vue que partage Gaëlle, mère de trois enfants. “Avant, quand j’avais dit non, je ne revenais pas dessus, pour ne pas perdre la face. Mais en fait, on ne perd rien à revenir sur quelque chose. Mes enfants savent très bien distinguer les choses sur lesquelles je ne transige pas : on donne la main pour traverser la rue, etc.” Cela vaut parfois la peine de se demander pourquoi on impose notre volonté à nos enfants. Pull orange ou pull rouge, quelle importance, finalement ?
Pour aller plus loin
- Remerciements à Nadège Larcher, psychologue et formatrice à L’atelier des parents
- Catherine Gueguen, Pour une enfance heureuse. Repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau, éd. Robert Laffont, 2014.
- Nathalie de Boisgrollier, Élever ses enfants sans élever la voix, éd. Albin Michel, 2014.